LA-LEGENDE-DE-VEHIATUA

Vehi-Atua-i-te -Mata'i La Fille du Vent Te mau 'ā'ai mā'ohi Toarii POUIRA - Poehei LEONE © MEE-DGEE 2024

Des remerciements particuliers à Christophe HOLOZET & Eriki MARCHAND

Direction générale de l'éducation et des enseignements Ministère de l'éducation, de l'enseignement supérieur, en charge de la culture Polynésie française ©MEE-DGEE 2024 www.education.pf Vehi-Atua-i-te -Mata'i La fille du vent Texte Toarii POUIRA Illustrations Poehei LEONE & Toarii POUIRA

6 Sur l'île de Havai'i, aujourd'hui connue sous le nom de Raiātea, vivait une enfant aux longs cheveux d'ébène. Sa naissance demeurait un mystère : sans père, ni mère, elle apparut par une nuit de tempête. Son peuple la nomma ainsi Vehi-Atua-i-te-Mata'i.

7 Devenue jeune femme, Vehi-Atua aimait observer ses amies glisser sur les flots salés. Accroupies ou allongées, elles se tenaient sur des 'iri fa'ahe'e, ces planches de bois façonnées dans le tronc du tumu 'uru ou dans du bois de pūrau.

8 Malgré son admiration pour leurs performances, Vehi-Atua avait le sentiment de percevoir quelque chose de bien plus mystérieux, à travers la brume marine. Comme si l'Océan tout entier l'appelait secrètement, la questionnant sur son identité profonde.

9 Un jour, elle décida de se lancer à son tour. Dès ce moment, s'adonner à la glisse, fa'a'he'e, était devenue sa passion. Aux premières lueurs du matin, elle rejoignait déjà les éléments impétueux, se fondant dans le vent marin et au cœur des déferlantes hypnotiques. Sa fine silhouette et sa légèreté lui conféraient une aisance impressionnante sur les vagues. Inlassablement, Vehi-Atua perfectionnait sa technique de glisse, indifférente à la tombée de la nuit.

10 Au village, une rumeur grandissait ; la prestigieuse compétition de fa'a'he'e, connue sous le nom de Hōrue, se préparait sur l'île de Tahiti, à Matahīhae. C'était là que se rassembleraient tous les « marcheurs sur l'océan », les « chevaucheurs de vague », les adeptes de glisse les plus expérimentés des îles. Un soir, assise au sommet du mont Temehani, Vehi-Atua scrutait le ciel et les étoiles. Le vent caressait ses longs cheveux noirs et semblait lui murmurer doucement les réponses qu'elle cherchait au plus profond d'elle-même. « Demain, lorsque le soleil se lèvera, je partirai pour le grand Hōrue », décida-t-elle.

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12 Guidée par le soleil et les étoiles, Vehi-Atua navigua jusqu'à Tahiti, abordant Matahīhae par la passe de Hava'e. Là, elle découvrit des hommes et des femmes allongés sur leurs planches, glissant avec élégance sur les crêtes de l'océan.

13 Sans la moindre hésitation, elle se jeta dans les eaux tumultueuses. Malgré le courant qui la défiait, elle rama, pleine d'enthousiasme, jusqu'à l'endroit où les vagues prenaient naissance.

14 Sous ses pieds, elle sentait la puissance de la mer gronder. Parmi les compétiteurs, elle observa un homme, non loin d'elle, nager de toutes ses forces afin de « dompter » une énorme vague en formation. Allongé, il poussa fermement sur ses mains pour se mettre en position debout. Vehi-Atua n'avait jamais vu telle prouesse auparavant. Mais rapidement déséquilibré, l'homme chuta de sa planche de bois et disparut dans les flots bouillonnants.

15 La vague acheva sa course plus loin, mais l'homme n'avait toujours pas réapparu. Vehi-Atua, inquiète, plongea la tête sous l'eau. Elle l'aperçut, qui regagnait lentement la surface du fond des eaux sombres. À ses côtés, un homme qui attendait également, lui expliqua qu'au-delà de la force physique et du courage requis pour affronter la mer démontée, il fallait également être capable de retenir sa respiration longtemps, sans quoi on restait perdu à jamais dans le Pō, dans le Royaume des Ténèbres.

16 À ces mots, Vehi-Atua sentit de nouveau la mer se réveiller sous ses pieds, faisant ainsi vibrer son corps tout entier. Résolue et ne se laissant pas intimider, elle rama de toutes ses forces, d’abord couchée sur sa planche puis, avec une poussée de détermination, se redressa pour se tenir debout.

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18 Ça y est, elle glissait avec grâce sur cette nouvelle vague. L'écume blanche s'élevait comme une nuée d'oiseaux blancs autour d’elle, comme si mer et ciel s'unissaient pour la célébrer. Portée par le vent et l'énergie frénétique de la vague, Vehi- Atua avait trouvé son équilibre. Debout sur sa planche, elle criait : « Je suis Vehi-Atua-i-te-Mata'i, l'enfant des vents, celle qui monte sur les flots de Ta'aroa ».

19 Sur la plage, toute la foule acclamait son exploit, à l'exception du roi Teihe-Moe-Roa et de sa garde royale. Selon les coutumes ancestrales, le Roi était une personne tapu. Personne n'avait le droit ni de l'approcher et le toucher ni de se tenir plus haut que lui. Il s'en vantait : « Personne ne peut glisser sur une vague plus grande, ni faire mieux que moi ».

20 Il lança à Vehi-Atua le plus audacieux des défis : « Oseraistu affronter la vague la plus grande et la plus majestueuse de l'île, celle que personne n'a jamais chevauchée ? » Peu importait l'issue, Vehi-Atua savait que c’était une épreuve qui pourrait lui coûter la vie. Mais ce n'était ni l'audace ni l'appréhension qui l'animaient. Tout autour d'elle, elle ressentait encore l'appel envoûtant de l'Océan. Elle accepta donc le défi royal.

21 Sur l'eau, Vehi-Atua et le Roi scrutaient l'horizon, attendant patiemment sur leurs planches. Le temps s'écoulait au même rythme que les vagues qui les entouraient, tantôt lentement, tantôt rapidement. Puis la série de vagues monstrueuses arriva enfin. Vehi-Atua maîtrisa aisément la première. Une seconde lui succéda et déferla mais le Roi, imperturbable, demeurait immobile, comme désintéressé. Il attendait LA vague, celle qui surpasserait toutes les autres.

22 Soudain, une énergie incroyable s'éleva sous leurs planches. Les poissons se réfugièrent dans les anfractuosités du récif. Tous deux savaient alors qu'une vague légendaire était sur le point de naître. La lame prit forme, imposante et impressionnante. Avec une parfaite synchronisation, ils s'élancèrent, leurs silhouettes se fondant dans la crête d'écume.

23 Les deux rivaux parvinrent à se lever, mais en un instant, le Roi perdit son équilibre et chuta, à la merci du tourbillon marin qui se fracassait contre la barrière de corail.

24 Toujours debout sur sa planche, Vehi-Atua poursuivit sa glissade triomphante, ovationnée par la foule amassée sur la plage. « Vehi-Atua ! Vehi-Atua i te Mata'i ! » Derrière elle, étrangement, le Roi ne réapparaissait pas. Une nouvelle vague, presque aussi colossale, se formait déjà. Sans hésiter, Vehi-Atua plongea alors et se fraya un chemin à travers la puissante houle pour le secourir.

25 Au fond de l'Océan, le Roi gisait inconscient. Non sans difficulté, elle réussit à le hisser à la surface et à le ramener indemne à terre.

26 Recouvrant ses esprits, Teihe-Moe-Roa fut submergé par la honte et l'humiliation. Ses gardes s'approchèrent, rappelant qu'elle avait enfreint le tapu en portant une main sacrilège sur le Roi. Ce dernier, consumé par une colère noire, ordonna la mort immédiate de Vehi-Atua. Toutefois, la jeune femme rusée avait préparé un pacte avantageux : « Ne me tue pas ! En échange, je te donne mon pouvoir à triompher de toutes vagues, aussi dangeureuses soient-elles, et de remporter, ô mon Roi, les plus grandes batailles de Moana Nui a Hiva ».

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28 Teihe-Moe-Roa, intrigué, accepta cette proposition. Vehi-Atua lui révéla alors que son nom « VEHI-ATUA-I-TE-MATA'I » lui conférait un certain pouvoir sur les éléments. Elle lui fit don, sans regret, de son nom avant de prendre le large en direction des autres îles, à la recherche de nouvelles vagues à chevaucher et de nouveaux horizons à contempler.

29 En faisant sien le nom de Vehi-Atua, le Roi le soumit au tapu : « Personne d'autre que moi ne pourra s'appeler Vehiatua. » En adoptant cette nouvelle identité, le Roi perpétua effectivement « son » triomphe. Il sacrifia en retour tout ce qu’il avait été ou pu être. Le nom de Teihe-Moe-Roa sombra dans l'oubli mais le légendaire nom de Vehiatua évoque, encore et à jamais, le souvenir de « LA FEMME QUI GLISSE DANS LE VENT ».

Réf. PI-24002 ISBN. 978-2-37317-161-7 Dépôt légal : Juin 2024 Vehi-Atua-i-te -Mata'i La Fille du Vent Texte Toarii POUIRA Réécriture en français Mairenui LEONTIEFF Illustrations Poehei LEONE & Toarii POUIRA Infographie et mise en page Toarii POUIRA Responsable de la publication Mairenui LEONTIEFF Directeur de publication Éric TOURNIER Directeur général de la DGEE

VEHI-ATUA-I-TE-MATA'I La Fille du Vent Ré. PI-24002 ISBN. 978-2-37317-161-7 © MEE-DGEE 2024 www.ebooks.education.pf C'est une adaptation d'une œuvre patrimoniale de Teahupoo qui est destinée aux élèves de cycle 3 et de cycle 4, mais il s'adresse aussi au grand public. Cet album éponyme de fiction, Vehi-Atua-i-te-Mata'i, raconte comment une jeune fille de Havai'i, cette Vénus polynésienne, née par une nuit de tempête, enfant des dieux du vent et des flots, héroïne malgré elle, a le pouvoir de chevaucher et dompter les vagues monstrueuses de la mâchoire de Hava'e. N’est-elle pas Vehi-Atua-i-te-Mata'i, la Fille du Vent, celle qui glisse sur les flots de Taaroa ? Au travers de cette légende, est évoquée la première surfeuse connue de Tahiti, VehiAtua, celle qui a fait don de son nom et laissé un souvenir impérissable de ses exploits pour la postérité. Ce voyage dans le temps permet d'évoquer quelques aspects de la vie et des croyances des anciens Polynésiens. En tant qu'héritage immatériel, l'album Vehi-Atua-i-te-Mata'i participe à sa façon à la conservation de la littérature orale propre à la commune deTaiarapu-Ouest, à la valorisation, à la transmission et au rayonnement du patrimoine culturel polynésien. Vehi-Atua-i-te -Mata'i La Fille du Vent

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