La première sonnerie retentit. Les surveillants s’approchent de nous et d'un geste nous intiment de rejoindre les rangs qui ne tardent pas à se former de manière confuse devant les salles de classe. La foule autour de nous se disperse bruyamment. J'essuie soigneusement les deux faces de ma raquette contre le tissu de mon short, sans lever les yeux. - On continue à la récré, à la même table, Hiro ! assène Mäui d'un ton péremptoire. Sans le regarder, je reprends mon sac que Tehau me tend, quelque peu gêné. Je sens mon sang affluer à mes tempes, mais je perçois aussi les regards médusés de Ariinui, de Manu et des autres, se fixer sur mes épaules. Je suis abattu, muet. Et tel un automate, mes pas me semblent lourds, ils me mènent péniblement au pied des bâtiments. La tête basse, je me fonds dans le rang. J'aurais voulu disparaître, là…, d'un coup de baguette magique. Pourquoi ne suis-je pas cloué dans mon lit, avec quarante de fièvre ?... Comment vais-je survivre à ce cauchemar ? Je ne dois rien laisser paraître, il me faut rester de marbre. D'un coup de coude discret, Tehau m'assure de son soutien, ce soutien muet et mutuel qu'on se voue l'un à l'autre depuis la maternelle. Sans un regard pour moi, comme par respect pour mon mal-être, il se rapproche de moi. Ne me voyant nullement réagir, il enchaîne : - Tu vas le battre, Hiro. Je sais que tu vas le battre, il a eu de la chance, c'est tout, me chuchote-t-il sans un mouvement de la tête. Je lui réponds par une très timide et discrète inspiration, marque de notre complicité mutuelle qu'il comprend très bien. Des moments comme celui-ci, nous en avons déjà partagé de multiples fois l'an passé, ces moments pénibles où la présence de l'Autre devient naturellement rassurante. Je sais que je peux compter sur son soutien total. Nous n'avions jamais mis de mots sur cette sorte de contrat moral, mais nous n'en avons jamais douté. 11 Une journée au collège
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