Désillusions de jeunesse

Deux longues heures avaient passé ; toutes les candidates attendaient le verdict dans le jardin de l'hôtel de ville, en groupes éparpillés de part et d'autre des parterres de fleurs. Certaines restaient silencieuses et anxieuses, d'autres feignaient l'optimisme, laissant échapper quelques gloussements. Rava et Here semblaient satisfaites de leur prestation, mais tâchaient de ne pas le faire paraître en entourant leur amie, pour la soutenir. Je n'osais les approcher, je refusais d'avoir un avis à donner, surtout à ma sœur. Nous courûmes nous mettre à l'abri de leurs regards, tapis dans l'angle du bâtiment administratif, assis sur un tronc de cocotier en guise de banc, dissimulés par quelques arbustes effeuillés. De notre mirador improvisé, nous avions la meilleure vue d'ensemble. Quelques concurrentes vinrent lui témoigner leur indignation, feignant un air compatissant vis-à-vis de Tekina particulièrement. Elles ne s'éternisèrent pas pour autant, je trouvai qu'elles avaient l'audace de repartir les yeux pétillants d'une certaine malice. Je ne quittais pas ma sœur des yeux. Pas un mot ne pouvait sortir de ma bouche, je me sentais vraiment mal à l'aise. Sa prestation ne laissait pas de doute quant à la teneur du jugement qui allait tomber, cela ne semblait pas ternir son élégante silhouette, à mes yeux. Pourtant, elle continuait à sourire, d'un sourire qui ne laissait rien présager d'une défaite annoncée. Ses meilleures amies lui pressaient les mains, la cajolaient de mille gestes affectueux. Intérieurement, je ne pus réprimer une pensée qui n'était pas de circonstance, mais toutes trois me rappelaient certains clichés, où les proches parentes viennent consoler la veuve éplorée... Je me retins d'en dire un seul mot à Raanui qui, de son côté, n'avait de cesse de commenter, parfois de manière très ironique comme il savait si bien faire, l'accoutrement ou l'attitude de telle ou telle candidate. En fait, je n'entendais rien de ce qu'il me disait. Enfin, le rappel des candidates fut annoncé, l'heure de vérité était imminente. Sur un ton très solennel, la présidente du souverain jury entama l'énumération des noms des huit sélectionnées, j'avais l'impression qu'elle prenait le temps et un plaisir quasi-sadique à articuler minutieusement chaque syllabe. Une scène horrible, cruelle, interminable. À chaque prénom commençant pas la syllabe « té », mon corps tout entier se raidissait. Hélas, à la huitième annonce, aucune du trio diabolique ne fut sélectionnée ! 14

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