Désillusions de jeunesse

« Ta jupe est trop courte pour aller au collège, Tekina ! » La voix de maman résonna dans la maison mais ne m'atteignit pas, je courus rejoindre Here et Rava qui m'attendaient sur le bord de la route. Mes deux amies de quartier s'impatientaient ; la première prenait soin de trouver l'emplacement parfait de l'hibiscus écarlate qu'elle voulait insérer dans sa coiffure ; la seconde ajustait sa ceinture à clous dorés sur ses hanches à moitié dénudées. Toutes trois formions une belle équipe de choc au collège ; rien n’arrêtait notre imagination pour nous mettre à notre avantage chaque jour et peu importait ce que pensaient les autres filles. Sur notre passage, les regards des passants nous rendaient encore plus fières, ce qui nous faisait nous déhancher davantage... Notre arrivée devant le collège était à chaque fois remarquée ! Et nous aimions ça !... Sentir les regards nous détailler des pieds jusqu'au bout des ongles nous rendait euphoriques, nous donnait encore plus d'assurance. Toutefois, un seul d'entre eux me gênait, je ne savais dire pourquoi : celui de Kearani, ma sœur jumelle. Ce matin-là, un attroupement inhabituel s'était formé devant le portail : deux surveillantes avaient pour mission de « rhabiller » les collégiennes dont la tenue était considérée comme indécente ; les filles devaient revêtir un grand tee-shirt rouge avant de pénétrer dans l'enceinte de l'établissement. Cette opération « coup de poing » avait pour but de rappeler certains points du règlement intérieur... Here et moi eûmes le même réflexe, nous nous tournâmes instantanément vers le ventre en partie dénudé de notre camarade. Celle-ci essayait d'ajuster son tee-shirt trop court qui lui arrivait au nombril. Malheureusement, ce geste ne servit à rien, déjà la surveillante lui ordonna de se soumettre à la règle du jour, devant les sourires médusés des garçons de passage. Nous étions ainsi mises au ban des indécentes, cet accoutrement nous ridiculisait bien évidemment. Nous sentions les regards amusés de celles qui, tous les matins, nous scrutaient minutieusement des pieds à la tête à la recherche de la moindre faute de goût. Nous tâchions de n'en rien laisser paraître mais au même moment, je croisai le regard gêné de Kearani, ce regard que je connaissais si bien... Les esprits se calmèrent, le nombre de teeshirts rouges passant le pas du collège augmentait au fur et à mesure que l'heure avançait, et cela nous rassura : Rava pourrait presque passer inaperçue... 2

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