Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

consacrée, tous les Chinois sont considérés comme faisant partie d’un seul et même peuple. Le recours à des professeurs taiwanais pour assurer les cours de mandarin en témoigne notamment. La rivalité entre les deux nations ennemies, et les problèmes politiques qui les opposent, semblent donc dépassés ou atténués. On justifie notamment cela par le fait que les Chinois d’outre-mer et les Taiwanais ont le point commun d’être partis de la « Chine éternelle ». Ces deux groupes partagent également l’exil, la mythification et la mystification 111 d’un même territoire d’origine, à savoir la Chine. Ces éléments communs fondent une identité commune et « supra-territoriale ». Celle-ci dépasse les limites politiques et les nationalités en tant qu’appartenance juridique d’une personne à un État. D’ailleurs cela peut être noté au cours d’une discussion informelle : « Que l’on soit communiste, Taiwanais ou ici, on est tous chinois ! ». Les membres de l’Association Philanthropique Chinoise intègrent ainsi l’adage suivant : « On reste chinois où que l’on soit. ». De plus, selon l’opinion de Jade : « Quel que soit l’endroit où on a vécu, quelle que soit la culture qu’on a vécue, il y a une racine qui reste et qui va faire qu’on est chinois. » L’identité chinoise doit alors être comprise dans un sens large, c’est- à-dire qu’elle fait référence aux systèmes de représentation et d’autoreprésen- tation des Chinois. Pierre Gentelle nous en donne quelques précisions : “Un nouveau concept est en train d’apparaître : le Chinois mondial, qui vit dans des territoires d’interaction symbolique ou culturelle, dans des espaces culturels à la fois chinois et transnationaux situés en marge des appareils d’Etat bien qu’obéissant (en général) à leurs règlements. Le concept de Chine culturelle (wenhua Zhongguo), avancé au début des années 1990 par le philosophe néo-confucéen d’origine taiwanaise Tu Wei-ming, professeur à Harvard, est un peu le symbole de tentatives qui visent à dépasser par le haut, pour tout dire la mondialisation, les contradictions nées de conceptions étroites (ancestrales, puis nationales…, voire nationalistes !) de la nationalité.” (Gentelle 2001 : 63-64) De plus, les membres de l’Association Philanthropique Chinoise soutiennent que cette association est apolitique depuis sa création, et qu’elle 106 111 « Il est pourtant un territoire idéal dans la mémoire de la diaspora (idéal parce qu’étant celui où s’enracinerait son identité) c’est le territoire du pays d’origine. D’où la puissance des références au pays d’origine et sa mythification du pays d’origine dans l’imaginaire de la diaspora. Mais par ailleurs, elle sait confusément que son identité ne s’origine plus là-bas et qu’elle se construit dans le mouvement même de la dispersion sur ce territoire inimaginable et inlocalisable parce que partout. Dans cette situation, la diaspora reçoit un peu la mystification que constitue pour elle la terre d’origine dans la construction de son être en migration. » (Ma Mung 2000 : 148).

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