Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

3) Entre Chinois : l’affirmation d’une identité culturelle commune Ces rencontres entre Chinois sont l’occasion de percevoir l’« Autre » Chinois, mais aussi ce qui « Nous » différencie et « Nous » rapproche, en somme, de vérifier la légitimité de sa sinité. Il s’agit alors d’une rencontre avec un « Nous » dépassant les barrières culturelles 120 et nationales entre les Chinois de Chine et les sino-tahitiens. Les différentes sinités des Chinois d’outre-mer et de Chine se réfléchissent entre elles. Elles s’entretiennent mutuellement pour fonder un même sentiment d’appartenance. C’est notamment ce qui se passe lors des dîners ou des cocktails organisés par l’Association Philanthropique Chinoise. Les officiels chinois et les membres de l’association soulignent par leurs discours une appartenance et une identité commune, ainsi que le partage d’une sinité identique et d’une identité culturelle similaire. Il s’agit en fait de ce noyau identitaire chinois, censé être immuable pour tous les Chinois à travers le monde. Cette identité chinoise collective est alors le principal référent identitaire, effaçant les différences entre Chinois d’outre-mer et ceux de Chine. Elle résulte en partie de l’interaction entre ces deux réfé- rents. Par ailleurs, ces rapprochements et ce sentiment d’appartenance sont es- sentiels dans la mesure où les Chinois ayant émigré sont les bailleurs de fonds du développement économique de la Chine. Leur appui est indispensable à la réalisation des réformes économiques auxquelles a fait appel le programme des Quatre modernisations 121 institué en 1978 par Deng Xiaoping. Ainsi, les relations que la Chine noue avec l’Association Philanthropique Chinoise peuvent être assimilées à une sorte d’« opération de séduction », dont un des objectifs principaux est d’attirer les investisseurs chinois de Polynésie française sur le sol chinois. Le partage d’une identité culturelle commune est alors primordial dans cette démarche. Selon le Parti Communiste Chinois : “En prenant une autre nationalité, un ressortissant n’est plus citoyen chinois, mais reste quand même notre parent et ami.” (Bourbeau 2002 : 65) 111 120 On met consciemment de côté certaines caractéristiques culturelles et identitaires pour fonder une identité com- mune. Cette dernière étant le fait d’être Chinois, par exemple, on ne différencie plus les ethnies (Hakka, Punti, Teo- chiu…), ou la nationalité n’est plus prise en compte (Français, Chinois, Américains…). 121 « 1. faire connaître les nouvelles politiques concernant la diaspora chinoise et restaurer les institutions chargées des affaires des Chinois d’outre-mer ; 2. inclure une reconnaissance constitutionnelle des liens d’amitié entre la RPC et la diaspora chinoise et actualiser une vieille loi sur la nationalité ; 3. débuter une progressive réhabilitation des Huaqiao (les migrants chinois qui ont conservé la nationalité chinoise) et des Huayi (les descendants chinois qui ont pris la citoyenneté des pays d’accueil) ; 4. instaurer des mesures préférentielles d’investissements spécifiques à la diaspora chinoise. » (Bourbeau 2002 : 64).

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