Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
pour caractériser la dynamique dans laquelle s’inscrit l’évolution du milieu associatif chinois de Tahiti. Ces associations, dont l’A.P.C., sont dans une phase de transition. Elles apprennent à s’adapter au nouveau contexte que connaît leur communauté et la société qui l’entoure. Il apparaît que de nouvelles formes d’expression permettent aux Chinois de se manifester dans l’espace public, mais aussi de participer à la vie sociale et culturelle du pays. Ce qui tend à rendre obsolètes et inutiles les associations chinoises. Par exemple, les rites de vie et de mort ont trouvé d’autres lieux d’expression : on expose le corps d’un défunt chez soi, les banquets de mariage se font dans les hôtels luxueux de la Polynésie française, ou encore les repas de famille se déroulent dans les restaurants de la ville de Papeete. Il est possible de se rendre compte de ces événements en parcourant les pages des quotidiens locaux. En conséquence, il semble que l’affaiblissement numérique et la perte d’influence des associations chinoises, et celui de l’Association Philanthropique Chinoise en particulier, renvoient à l’évolution du mode de vie et de la mentalité des Chinois de Polynésie française jusqu’à nos jours, à leur intégration et à leur acculturation. En somme, il s’agit d’un changement dans l’identité de ces individus. Plusieurs membres de l’Association Philanthropique Chinoise tentent d’expliquer les causes de cet affaiblissement, de ce changement de la vie associative chinoise. Dans l’ensemble, leurs témoignages se rejoignent. La réussite économique des Chinois de Polynésie française et leur intégration à la société polynésienne ont entraîné une modification de leurs mœurs et de leur mode de pensée. Martin en témoigne de la manière suivante : « Le cousin de Chine, venant à Tahiti, n’a plus besoin de passer à l’Associa- tion Philanthropique parce qu’il y a son oncle, son cousin, qui est propriétaire terrien, une maison de trois chambres minimum. On n’a plus besoin de salle polyvalente pour faire la fête au jour d’aujourd’hui. Beaucoup de gens ont de grosses propriétés, et ils font leur fête chez eux. Le besoin de se regrouper, de se retrouver plus d’une fois dans l’année, s’estompe parce que beaucoup de familles d’aujourd’hui ont les moyens de s’en passer, d’avoir ce patrimoine, de ne plus avoir besoin de la salle polyvalente ou de la grande cuisine de l’association. » De l’association caractérisée par l’« entre-soi » et la nécessité de se regrouper, les Chinois de Tahiti fréquentent désormais des lieux et des espaces du « chez soi », plus autonomes, intimes, et en somme, plus individualisés. La montée de l’individualisme semble être en partie inhérente à l’intégration sociale des Chinois de Polynésie française. Ils y sont parvenus grâce à leur naturalisation 118
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