Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
massive en 1973 et par la « machine intégrative » qu’est l’école. Les postes qu’ils occupent dans la fonction publique sont révélateurs de cette intégration, mais cette dernière ne s’est pas faite sans peine. En effet, de la part de certains, cette situation était encore inimaginable il y a quelques années. Car la nationalité française une fois acquise ne suffisait pas pour être considéré comme Français. Il fallait le démontrer encore plus : “Difficile à l’époque de nous dire Polynésiens car nous n’étions pas considé- rés comme tels… Quant à nous sentir comme des Français, il y avait toujours hélas, quelque part, une tatillonne autorité de préfecture, un surveillant géné- ral un peu grincheux, ou tout simplement un patron de bistrot mal embouché pour nous rappeler que nous étions toujours des invités : en somme des Hak- kas qui seraient des étrangers partout où ils mettaient les pieds.” (Ly 1997 : 117-118) Cette remarque vaut également pour les dirigeants des associations chinoises. Pour la seconde génération, voire la troisième génération chinoise implantée en Polynésie française, il a fallu apprendre à maîtriser ce que recouvrent les identités françaises et polynésiennes 125 , aussi bien juridiquement que socialement. Leur intégration économique et sociale est notamment à la base de ces apprentissages identitaires. Il en est de même au sujet de l’évolution de leurs modes de vie et de pensée. Selon certains, elle aurait pour ainsi dire « perverti » l’esprit de la communauté chinoise. Les invitations de mariage nous fournissent un exemple, et notamment par rapport à l’Association Philanthropique Chinoise. John me confie que : « La procédure d’invitation a changé. Avant, tu envoyais ton enveloppe rouge pour dire que tu voulais bien être invité à l’événement. Ceux qui organisaient le mariage ou l’anniversaire acceptaient ou refusaient. Alors que maintenant, on t’envoie un carton pour dire que tu peux venir à l’invitation… J’ai eu des discussions avec certaines personnes qui disaient que la nouvelle manière est assez perverse parce qu’on t’invite. On te demande si tu veux venir. Par exemple, tu reçois un carton d’invitation à un mariage… La liste de mariage, c’est ça ou si vous voulez pas vous pouvez faire une enveloppe. En gros, il te dise le cheminement à effectuer. Alors qu’avant, c’était de ton plein gré que tu envoyais. C’est bien ou c’est pas bien ? C’est juste une vision d’optique. L’Européen va dire « ouais », c’est mieux parce que ça évite d’avoir deux mixers, deux cafetières. Le Chinois, lui, il va dire l’équivalent général, c’est l’argent. On met un dénominateur commun et voilà. » 119 125 L’identité des Chinois de Tahiti s’est donc construite à partir des références identitaires françaises, polyné- siennes et chinoises. Un processus d’acculturation est à la base de cette construction identitaire.
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