Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
Ainsi, cette intégration socio-économique et l’évolution des mœurs chinoises se traduisent par l’érosion d’une des plus importantes références iden- titaires chinoises, c’est-à-dire l’esprit de solidarité et la solidarité ethnique qui en découle. Selon l’opinion d’un informateur connaissant différents milieux chinois et extérieur à la communauté chinoise de Polynésie française, cette der- nière serait moins solidaire que la plupart de ses homologues à travers le monde. En effet, Jimmy Ly en fait déjà le constat lors de ses études en Métropole. Il nous relate sa rencontre avec d’autres Chinois. L’action se passe dans une association d’étudiants chinois à Paris : “Cette distorsion culturelle, comment l’appeler autrement, nous a permis à J.C. et à moi de mesurer l’incompréhension presque martienne qui nous séparait des vrais Chinois, ne serait-ce que dans ce domaine de l’humour… Je ne pouvais pas m’empêcher de penser après ces pow vows culturels aux échanges inexistants, car pour moi totalement hermétiques et incompréhensibles, que les ressortissants chinois de Polynésie vivant dans un milieu plus diversifié semblaient bien mieux intégrés à la société française, et que leur adaptation si aléatoire au début présentait moins de difficultés apparentes. Je m’en ouvris à J.C., qui me détrompa tout de suite. Méfie-toi des jugements trop hâtifs ? Nos cousins de Chine ne sont pas si empotés qu’ils en ont l’air. En fait, bien qu’ils connaissent comme moi-même qui n’est pas naturalisé comme toi, beaucoup de tracasseries administratives dues à la reconnaissance du gouvernement de Pékin par le général de Gaulle, ils ne se sentent nullement abattus ni brimés. Bien implantés à Paris, ils se sont tous regroupés et leur grande force est qu’ils sont extrêmement solidaires entre eux grâce à leur culture commune, et c’est justement notre faiblesse.” (Ly 1997 : 116-117) Ce constat montre ainsi que les Chinois de Polynésie française semblent avoir perdu une caractéristique fondamentale de leur identité chinoise. Ce fait est inhérent à l’évolution de leur identité. Cette dernière prend en considération les changements qu’ont subi leur mode de vie et leur mentalité à la suite de leur intégration et de leur acculturation à la société polynésienne. Cela se traduit notamment par le déclin des pratiques communautaires. 2) Le déclin des pratiques communautaires La faible solidarité ethnique de la part des Chinois de Polynésie française nous amène à réviser l’appellation, voire le concept, de « communauté » appliquée habituellement à cette population. En effet, selon l’opinion et les représentations collectives qui ont cours à Tahiti, les Chinois sont soudés entre eux et forment une 120
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