Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
« Maintenant c’est devenu individualisé, chacun s’est retiré dans son coin et l’ef- fet commence à se ressentir. Ça commence à revenir un peu. C’est pour ça que les jeunes commencent à revenir un peu. C’est un manque je pense. » La communauté chinoise s’est ouverte. Il semble d’ailleurs que les Chinois se retrouvent dans tous les secteurs et tous les domaines de la société polynésienne. Par exemple, dans le milieu associatif, certains font partie d’as- sociations non-chinoises. De plus, l’occidentalisation progressive des Chinois de Polynésie française montre que l’individualisme est bien présent au sein de ce groupe. Il en résulte que cette communauté est relativement moins unie et solidaire que ce que l’on a coutume de se représenter habituellement. 3) Une communauté fragmentée et imaginaire Tous ces éléments tendent à montrer que la solidarité ethnique, déve- loppée par les Chinois de Polynésie française, n’est plus une référence identi- taire majeure, et que sa mobilisation est l’un des facteurs de cohésion du groupe. En effet, la fin du monopole de la solidarité ethnique et la montée de l’individualisme suggèrent que le terme de « communauté », dans son sens communautariste et d’une entité relativement autonome où les relations sociales seraient étroites et collectives 130 , ne retranscrit plus la réalité sociale de ce groupe. Ainsi, la définition actuellement donnée est une représentation collective héritée et issue des interactions entre les Chinois de Polynésie française et les non-Chinois. Par conséquent, cette représentation est aussi bien le fait des Chinois que des non-Chinois. Le maintien de certaines différences sociales et culturelles entretient l’élaboration et la continuité d’une image communautaire vis-à-vis de l’ensemble des Chinois de Polynésie française. En Polynésie française, l’idée d’une « communauté chinoise » et de 123 130 Emile Durkheim, Ferdinand Tönnies ou Max Weber soulignent la nature des relations entre les membres d’une communauté pour notamment définir cette dernière. Ils s’accordent à annoncer la venue d’une société dans la- quelle les relations sociales étroites et collectives seraient profondément atteintes. Cet effritement social serait dû à la division sociale du travail, à l’industrialisation et à l’urbanisation. Ainsi, Emile Durkheim oppose société à soli- darité organique et société à solidarité mécanique (Durkheim : 1990). Ferdinand Tönnies confronte la communauté (Gemeinschaft) à la société (Gesellschaft) : selon lui, la première est un tout organique où la vie collective se trouve développée et où le sentiment d’union est très important. Dans la seconde, au contraire, la division du travail et la propriété privée des moyens de production entraînent une décomposition des liens collectifs et communautaires ca- ractérisée par l’individualisme et l’absence de valeur collective (Tönnies : 1977). Max Weber expose la manière dont la relation sociale communautaire s’oppose à la relation sociale sociétaire, les individus n’étant plus liés dans la dernière que par des intérêts personnels et souvent contradictoires (Weber : 1971).
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