Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
“Je comprends alors mieux, mon fils, pourquoi aujourd’hui certains de tes jeunes amis me soutiennent mordicus que leurs ancêtres se trouvent au cime- tière chinois à Arue et non en Chine. Non seulement ils considèrent qu’ils n’ont plus d’attaches avec celle-ci, mais aussi qu’ils n’ont plus rien à voir avec leurs lointains ancêtres originels. Pas étonnant qu’ils font commencer leur histoire uniquement à partir de la terre d’immigration de leurs grands-parents, adoptant ainsi un choix déterminant et décisif dans leur filiation.” (Ly 2003 : 127) Malgré cette fragmentation, certains Chinois de Polynésie française perpétuent cette conscience de groupe, ainsi que l’image d’une communauté soudée et durable. Ils essaient de reconstruire cette communauté qui n’est plus qu’imaginaire, notamment à travers les actions des associations chinoises. Ainsi, l’Association Philanthropique Chinoise possède un rôle important dans cette mise en scène 132 qui a pour enjeu la représentation collective commu- nautaire de la population chinoise de Polynésie française. Mais cette figuration démontre également une volonté de perpétuer et de conserver une identité chinoise et hakka, avec la volonté d’affirmer que les Chinois d’outre-mer sont plus « traditionnels » que ceux de Chine. Si l’on se base sur le témoignage d’Yves, à l’Association Philanthropique Chinoise, cela se traduit par le désir d’approfondir les connaissances sur les traditions hakkas : « … nous sommes une communauté hakka, avec ses particularités, et il faut d’abord retrouver ses racines, c’est-à-dire les pratiques hakkas. On ne le fait pas encore, on le fera peut-être, mais il y a des associations qui le font, comme Vahine Porinetia. Par le passé, le groupe des jeunes s’est penché sur les tra- ditions hakkas. Ils ont écrit un petit laïus sur le Ka San, un autre, je crois, sur le vin chinois. Il est important de maintenir des cours de langue hakka. Il faut absolument les garder. » Comme on le voit, cette association est donc productrice de références identitaires. Ces dernières sont avant tout sociales et culturelles. De plus, elles constituent des éléments de différenciation utilisés dans les processus d’identi- fication entre Chinois et non-Chinois, entre Hakkas et non-Hakkas. Par ailleurs, tout un ensemble de représentations se forment autour de cette association, et ses rapports avec l’extérieur favorisent le développement d’une identité chinoise en Polynésie française. Cependant, la production de cette identité dépend également du contexte polynésien. 125 132 « L’idée selon laquelle on procède à une représentation de son moi aux autres n’est guère originale ; ce qu’il faut souligner, en revanche, c’est qu’on peut analyser la structure même du moi en fonction des dispositions que l’on prend pour donner ces représentations. » (Goffman 1973 : 238).
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