Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
lui parler de cette association, pour qu’il rétorque aussitôt : « Ah ! Les com- munistes ! » ou « Chez les communistes ! ». Cette représentation collective de l’Association Philanthropique Chinoise se retrouve fréquemment au sein de la population chinoise de Polynésie française. Elle ne reflète pas la réalité selon les avis extérieurs au groupe. De plus, il est bien difficile de qualifier les membres de cette association de « communistes ». Au contraire, leur tendance politique serait plutôt libérale. Fred nous dit ainsi : « J’ai effectivement entendu parler du communisme à l’association. C’est bi- zarre ça. Je ne vois pas les gens dedans être communistes parce qu’ils sont le trois-quart du temps « Orange 136 », plus ou moins « Orange ». La communauté chinoise est plus ou moins « Orange », voire autonomiste 137 , pour vraiment généraliser. Pas indépendantiste. Je n’ai pas senti qu’ils étaient communistes. » Ainsi, cette image n’est pas fondée, et peut-être qu’elle ne l’a jamais été, mais sa persistance montre que la rivalité existe toujours entre le Kuo Min Tang et l’Association Philanthropique Chinoise. Les divisions d’antan pèsent toujours. Cependant, il faut reconnaître qu’elles tendent à disparaître avec le temps et sont surtout le fait des « anciens ». Martin nous explique : « Je me rappelle les histoires racontées par mon père, qu’il y avait beaucoup de querelles, beaucoup de bagarres entre les différentes écoles. L’École du Kuo Min Tang et l’École de Fuikong étaient deux écoles rivales, et comme dans notre époque à nous, on trouve toujours des prétextes pour se taper dessus. Les filles étaient source de bagarres, les quiproquos également, les mots mal placés, mal compris, les opinions politiques… Mon opinion d’aujourd’hui, ce n’est que dû au bourrage de crâne que l’élite de l’École Kuo Min Tang a cherché à inculquer à leurs enfants. Pourquoi le Kuo Min Tang est meilleur que Fuikong ? Et vice-versa. Les responsabilités sont partagées. » Les sentiments d’appartenance sont respectivement forts, notamment en ce qui concerne ces deux dernières associations. Leurs rapports « inter-associatifs » contribuent à la construction d’identités locales. Remarque qui peut être éten- due aux autres associations chinoises de Polynésie française. En conséquence, les interactions entre ces associations forment des identités locales individua- lisées par les oppositions présentes et entretenues entre elles. Par exemple, la filiation historique et les processus de différenciation favorisent le développe- 129 136 Couleur du parti politique fondé par Gaston Flosse en 1977 : le Taho’era’a Huira’atira. Ce dernier mène une politique libérale. 137 Le 29 juin 1977 : création du statut d’autonomie en Polynésie française. L’autonomie accorde aux élus du Ter- ritoire des pouvoirs en matière de gestion et entraîne des changements dans les institutions polynésiennes. En 1984, ce statut d’autonomie connaît des réformes et devient le statut d’autonomie interne.
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