Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
Ces propos ne sont pas propres à John. On les retrouve fréquemment chez les personnes issues des autres générations nées en Polynésie française 143 . Jimmy Ly et ses ouvrages fournissent également un autre exemple de cette quête identitaire. Si les stratégies identitaires développées par les premières générations implantées sur le territoire étaient de se conformer à l’environnement et de s’y assimiler, ces mêmes stratégies ne sont plus employées aujourd’hui dans les mêmes buts. De nos jours, « on n’a plus honte de se dire Polynésien ou Français. » Ces identités assumées et plus ou moins acceptées par le groupe do- minant ne sont plus des sources de conflits majeurs. Néanmoins, si des tensions persistent. Elles tendent à se résoudre plus facilement, car l’intégration des Chinois de Polynésie française dans le « Nous » polynésien est une réalité sociale, politique et culturelle. En effet, il semble que ces « Polynésiens d’origine chinoise » ou « sino-tahitiens » ont désormais leur place dans la société polynésienne. Mais, si les revendications identitaires françaises et polyné- siennes ne sont plus les objectifs des Chinois de Polynésie française, il est vrai que leur reconnaissance est toujours délicate en fonction des interactions avec les personnes non-chinoises. Ainsi, au cours d’un entretien informel, une amie tahitienne confie que pour elle les Chinois ne sont pas des Polynésiens. Car ils ne parlent pas la langue, et notamment, ils ne parlent pas le tahitien 144 . Pour elle encore, les Chinois ont avant tout une essence chinoise, et leur identité polynésienne n’est acquise que par le sol et par le fait que « le Chinois » respecte sa culture et celle des autres. Ainsi, toujours selon elle : « Si un Chinois se dit Polynésien, ce n’est pas faux mais ce n’est pas juste… Le terme de Sino-Polynésien est plus juste car il est né en Polynésie. Mais il ne peut pas se dire Polynésien car il ne parle pas la langue. Il faut bien entendu relativiser car des Chinois parlent le tahitien. Un Chinois ne peut pas se dire Polynésien en présence d’un Tahitien, d’un Marquisien… car il ne parle pas la langue. Il le peut s’il parle avec un Métropolitain, un Américain, etc. » Ainsi, il résulte de ce témoignage que l’identité est une construction interactionnelle. C’est dans le regard de l’« Autre » qu’elle se forme, et que le « Soi » se réfléchit en fonction de cette interaction. Le fait que les Chinois de 138 143 Dans le contexte de l’immigration, de nombreuses études montrent que les problématiques identitaires se re- trouvent fréquemment chez les enfants d’immigrés. La situation ou la place trouvée entre deux ou plusieurs cultures est une source de conflits culturels et identitaires. 144 En effet, le mot « Polynésien » désigne celui qui est né et qui vit en Polynésie française mais cette définition ré- sulte d’un glissement sémantique. À l’origine, ce terme définit celui qui vient des îles et qui parle les langues de plu- sieurs îles. Ainsi, la référence identitaire n’est plus géographique mais linguistique.
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