Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
l’on puisse parler de culture métisse sous l’effet de l’intégration et de l’assimilation. En effet, il est à peu près certain que la culture chinoise en Polynésie Française est différente de celle qui existe en Chine ou dans d’autres populations chinoises à travers le monde. Cependant, il apparaît que les mêmes processus de métissage que de nombreux chercheurs, tels que Jean-Louis Amselle, Roger Bastide ou Serge Gruzinski, ont mis en avant, soient ici mis en oeuvre. Le contexte et les contacts entre les cultures fournissent des éléments d’explication de façonnage des cultures métisses. Ce mécanisme se retrouve au niveau identitaire. Yves confie ainsi : « Je suis Chinois mais je ne renie pas la culture tahitienne et popa’a. Je prends ce qu’il y a de mieux dans cette société aux trois dimensions… Si on parle de passeport, c’est différent, c’est un support qui te permet de dire que tu appar- tiens à une nation, à l’Europe, mais je suis quand même Chinois, né à Tahiti, j’ai des amis polynésiens, je mange polynésien, je vis polynésien. C’est pas comme les Américains qui disent souvent : « I am American born Chinese, je suis Américain, je suis fier d’être Américain. » C’est ce qu’ils disent, je sais pas si maintenant ça a changé. » L’Association Philanthropique Chinoise devient alors un cadre de références identitaires. Ce dernier permet d’approfondir sa sinité et constitue un support de développement aux stratégies identitaires liées à la recomposition identitaire. Ainsi, on peut constater que cette identité métisse se transforme constamment sous l’impulsion de cette recomposition. Il s’agit de renforcer un élément du noyau identitaire ethnique, celui de sa sinité, qui donne une unité de sens au « Moi ». En fait, ce noyau identitaire désigne la particule fondamentale, voire l’essence, de l’identité à partir de laquelle l’identité s’organise et se définit. Ainsi, l’identité ethnique et sa composante principale, le noyau identitaire, sont en perpétuelle évolution. Ils se construisent tout d’abord vis-à-vis de l’« Autre », mais également par rapport à « Soi » et en fonction du contexte dans lequel ils évoluent. Depuis qu’Yves est à l’Association Philanthropique Chinoise, il a le sentiment d’avoir renforcé l’élément chinois de son noyau identitaire. Il semble désormais en phase avec son « Moi », mais aussi avec les « Autres » qui le perçoivent comme un Chinois. Ce qu’il ne pensait pas être complètement avant son adhésion dans cette association : « Je l’ai dit et le redis, je suis Chinois, j’ai pas honte de le dire. C’est un très beau pays (la France), avec sa culture… et éduqué, en tout cas, à l’école tradi- tionnelle française. C’est un mélange bizarre [rire]. Alors qu’avant d’aller en Chine, de prendre des cours de chinois, je me sentais Chinois quand même 142
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