Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

de ce sentiment d’appartenance à un « ensemble plus vaste » est également confrontée à un paradoxe. Si l’on proclame que l’on est « Chinois », on a conscience que cette identification est également partielle. En effet, des différences culturelles existent entre les Chinois d’outre-mer et les Chinois de Chine. Ces derniers sont désignés comme les « vrais » Chinois, ceux qui portent en eux l’authenticité de l’identité chinoise. L’entretien et la formation de ces différences constituent des frontières culturelles et sociales entre les Chinois de Chine et les Chinois de Polynésie française. Ainsi, des identités chinoises et des représentations collectives chinoises se forment à partir des interactions entre ces deux groupes. Chacun a sa manière de penser et de vivre la sinité. À la question, « Y’a-t-il des différences entre Chinois de Polynésie française et de Chine ? » Jade s’est mise à rire et a rétorqué : « …ça n’a rien à voir. Ici, déjà, la communauté chinoise a été acculturée déjà par l’Occident et par ce qui est un peu polynésien. Il y a un tel mélange qu’on est vraiment particulier… Ce sont des gens qui ont un grand respect de la hiérarchie, on en fait pas des écarts, normalement, même au niveau des comportements. Par exemple, le chef, sous l’ordre de Pékin, il avait tout le temps une cravate. On a tout fait pour qu’il enlève sa cravate, un soir, pour qu’il se lâche un peu. Et tant qu’il ne l’avait pas enlevée, les autres ne le faisaient pas à cause de la hiérarchie… Ici, on a déjà un regard sur la Chine, sur des gens, sur des comportements. Par exemple, les Chinois quand ils mangent, ils mangent très mal, car ils font du bruit et ils jettent les os directement de la bouche sur la table. Mais tous les Chinois de là-bas font ça quelque soit la hiérarchie. On a un regard de supériorité. On est des Chinois occidentalisés quelque part mais ici il y a des Chinois qui ont les mêmes comportements… Ce qui me gêne, c’est qu’on est chinois et on a un regard comme ça. » Ainsi, au contact de ces Chinois de Chine, les Chinois de l’Association Philanthropique Chinoise ont conscience de leur identité chinoise, mais éga- lement de leurs références identitaires françaises et polynésiennes (ou autres). Ces différences sont d’ordre culturel. Elles leur permettent de se singulariser par rapport aux Chinois de Chine et aux autres Chinois d’Outre-mer. Il en va de certains comportements ou de certaines manières de faire et de penser, comme l’individualisme que nous avons déjà mentionné. En conséquence, les Chinois de Polynésie française paraissent aussi bien occidentalisés que « tahitianisés ». L’éducation fournit un exemple de leur occidentalisation. Quant au mode de vie, il fourmille d’exemples qui ont trait à des caractères polynésiens comme la nourriture ou les tenues vestimentaires. Toutes ces pratiques du quotidien constituent autant de différences entre les Chinois de 145

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