Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

Polynésie française et les Chinois de Chine, ainsi qu’avec les autres populations chinoises d’Outre-mer. Nous nous rapprochons ici de la notion d’ habitus formulée par Pierre Bourdieu (Bourdieu 1980 : 87-109). Ce dernier définit l’ habitus comme des potentialités objectives ou des dispositions incorporées par les individus qui ont tendance à s’actualiser et à opérer dans les pratiques et les représentations qu’elles façonnent durablement. Ainsi, l’ habitus est un principe générateur et producteur d’actions, tout en étant lui-même produit par le conditionnement historique et social. En ce qui concerne les Chinois de Polynésie française, « leur » habitus s’est élaboré en partie à partir de la conjoncture et du contexte polynésien. Il s’appuie également sur l’expérience et l’incorporation de certaines références et valeurs identitaires chinoises, polynésiennes et françaises. Dans l’ensemble, il apparaît que cela se traduit par le sentiment d’être des Chinois occidentalisés et/ou « tahitianisés », et par la conscience que les pratiques sociales individuelles et collectives sont différentes comparées à celles des Chinois de Chine. Ces pratiques sociales marquent ainsi une distinction avec ces derniers et les autres Chinois d’Outre- mer. Cette distinction permet également aux Chinois de Polynésie française de se définir par rapport à leurs homologues à travers le monde. Si l’identité se forge à travers le regard de l’« Autre », les éléments identitaires qu’on lui présente sont le résultat du contexte social dans lequel l’individu évolue et se forme. Ces contextes peuvent être multiples et variés. Le témoignage d’Emmanuelle nous fournit un exemple : « J’aime bien la Chine mais je préfère quand même ici. J’attache beaucoup d’importance à la culture chinoise, mais également polynésienne puisque ma grand-mère est polynésienne. Je fais des recherches et je suis à l’aise dans les deux côtés. Je me sens très très chinoise, même plus que les Chinoises, car j’attache beaucoup d’importance à la tradition, et c’est la même chose du côté polynésien… Etant donné que j’ai eu une éducation anglaise, j’ai tendance à apprécier tout ce qui est anglophone. Je suis très à l’aise avec les Anglais ou parler anglais parce que je n’ai pas vraiment suivi d’études de français, plutôt d’anglais et de chinois. J’ai un mari français mais dans ma pensée, je suis plutôt chinoise, anglaise et tahitienne. Le français est arrivé après. » Ces contextes forment un ensemble de références dans lequel l’individu puise les éléments de son identité. De ce fait, l’«Autre » peut les percevoir. Ainsi, une Chinoise de Chine, installée récemment à Tahiti, a constaté que les Chinois de Polynésie française étaient « tahitianisés ». Ces derniers seraient davantage des Polynésiens que des Chinois. Il s’agit notamment des comportements et des 146

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