Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

même si avant 1873 il est probable que ces réseaux pré-existent, on note que leur réel développement n’a eu lieu qu’à partir de l’instauration d’une immigration libre et dans le cadre d’une migration importante des Chinois. Car, avant cette date, l’administration coloniale prend en charge l’immigration de la main-d’œuvre chinoise. Les Chinois sont donc astreints à un contrôle plus rigoureux de leurs déplacements. C’est ainsi que ces derniers organisent peu à peu leurs structures d’encadrement, en dépit et en parallèle des institutions officielles mises en place par l’administration coloniale française. Ces premières structures chinoises d’encadrement s’incarnent au travers de sociétés informelles et d’associations chinoises. Ces dernières pourraient être assimilées à des sociétés secrètes, dans la mesure où elles sont tenues à l’écart de la société environnante. Deux sociétés informelles sont ainsi créées par les Chinois de Tahiti : le Si Ni Tong 11 et le Ng Hang Tong. Si ce dernier disparaît avant l’arrivée des migrants chinois du début du XX e siècle, le premier est désormais l’institution chinoise la plus ancienne et la plus importante de la communauté 12 chinoise actuelle. La formation officieuse du Si Ni Tong date de 1872 (Association Si Ni Tong : 2005). Kimiu (restaurateur et interprète), Li Chay, Ah Lam (voiturier) et Ah Low (cuisinier) l’encadrent et la constituent en société de secours mutuels. La société Si Ni Tong a pour objectif d’aider les ressortissants chinois et de leur fournir du travail. Elle accueille notamment les nouveaux arrivants et se charge également des funérailles des Chinois de la colonie. Tout comme à la Réunion d’ailleurs où l’on retrouve ce type d’association : la Société Ouvrière de Saint-Pierre, créée le 11 juin 1877, nous fournit un exemple de société de secours mutuels comparable au Si Ni Tong de Tahiti. Les deux sociétés sont par ailleurs dirigées par des Hakkas (Wong-Hee-Kam 1996 : 213). Néanmoins, vu le contexte colonial de l’époque, on peut s’interroger sur les actions menées par cette association et sur les réactions qu’elle suscite de la part de l’administration coloniale. Pour concevoir cette idée, on peut faire un parallèle avec le cas de la Société Ouvrière de Saint-Pierre à la Réunion. En effet, les autorités considèrent cette dernière comme une société de jeux et de 40 11 Si (Sin) : « honnêteté-confiance », Ni : « droiture », Tong : « le fait de se regrouper » en hakka (Association Sin Ni Tong : 2005). 12 « Le terme de communauté se caractérise par la variété de ses usages. Cependant, cette dispersion sé- mantique s’organise autour de deux pôles d’élaboration conceptuelle, suivant que les définitions proposées pro- cèdent d’une approche culturaliste du fait de communauté ou bien qu’elles traduisent le choix fait pour son étude d’une démarche historique. Dans le premier cas, ce sont les aspects psychologiques de la communauté qui sont soulignés (la nature des relations entre ses membres), dans le second, les dimensions institutionnelle et économique. » (Bonte, Izard 1991 : 165)

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