Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
loterie en devenir, et non comme une société de secours mutuels (Wong-Hee- Kam 1996 : 213). C’est cette même position de l’administration coloniale que l’on retrouve dans les EFO. 13 Mais en a-t-il toujours été ainsi depuis la création du Si Ni Tong en tant que société de secours mutuels ? Cette question a son importance. En effet, elle est liée à la formation des représentations sur les associations chinoises locales. Ces représentations participent à l’image dépréciative des Chinois dans la colonie. Elles contribuent également à alimenter les arguments autour du « Péril Jaune ». En conséquence, certains considèrent les associations chinoises comme des milieux fermés et de vices. Ils les assimilent aussi à des sectes où les Chinois prépareraient leur invasion. Pour d’autres, elles constituent également un « État dans l’État ». Toutes ces représentations sont plus particulièrement produites et véhiculées par les autorités administratives et par les colons européens. Afin d’établir des passerelles avec la population chinoise de la colonie et de surveiller ses membres, ces derniers sont tenus d’intégrer une congréga- tion. En conséquence, deux congrégations sont créées par l’administration fran- çaise en 1875. Elles correspondent aux deux principaux groupes de ressortissants chinois représentés à Tahiti, à savoir les Hakkas et les Puntis 14 . Selon l’arrêté du 24 août 1875, ces derniers sont groupés en deux congrégations correspondant aux provinces d’origine : à savoir une « congrégation de Canton » et une « congrégation des Hakkas 15 ». Ainsi, ces congrégations se forment à partir de bases géographiques et dialectales. Elles sont un moyen de contrôle du point de vue de l’administration coloniale. À leur tête, on trouve des chefs de congrégation. Ils sont principalement chargés de faire respecter la loi et l’ordre public au sein de cette communauté. Mais par ailleurs, des tâches administratives leur sont confiées. Ces chefs de congrégation ont notamment pour obligation de percevoir les taxes et les impôts 16 41 13 Il se trouve que les faits reprochés se confirment quelques années plus tard, en ce qui concerne le Cercle Si Ni Tong fondé en 1916. Il est en effet reconnu pour être une maison clandestine de jeux. 14 On pense que les Hakkas sont un groupe chinois originaire du centre-nord de la Chine. À partir du IV e siècle, à la suite des invasions turco-mongoles, ils migrent pour aboutir au début du IX e siècle au Sichuan, au Jiangxi et au Fujian, ainsi que dans le Guangdong où les autochtones sont nommés Puntis par opposition aux Hakkas. L’expression Punti se traduit par « ceux qui sont du cru » : les Bendi en mandarin. Ben veut dire racine et di désigne le terme : terre. Aux XVIII e et XIX e siècles, lorsque les conditions de vie en Chine méridionale devinrent difficiles et que la terre se fit rare, des querelles agraires opposèrent souvent les Hakkas aux Bendis. Ces derniers étaient de riches propriétaires terriens louant notamment leurs terres aux Hakkas. Par ailleurs, ils sont également connus sous le nom français de « Cantonais ». 15 Source : AP. BH.BR.430. La question chinoise – Recueil de divers éléments. Rapport sur la colonie chinoise dans les EFO. 16 Taxes d’immigration pour les étrangers, taxe spéciale imposée aux commerçants chinois, impôts sur les im- migrants d’origine asiatique.
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