Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

auxquels les Chinois sont assujettis. Ils tiennent également à jour les modifications sur leur état civil et sur les effectifs des immatriculés. Leur rôle ne s’arrête pas là puisqu’ils servent également d’interprètes et d’intermédiaires entre l’administration française et leurs compatriotes, constituant ainsi un relais et un lien précieux entre la population chinoise de la colonie et l’administration coloniale. Le passage suivant le montre : “L’Administration française n’avait ainsi de contact avec les ressortissants chi- nois qu’à travers les chefs de congrégation qui possédaient souvent des talents d’orateur et de médiateur, devaient aux membres du groupe générosité et at- tention et avaient ainsi prestige et autorité au sein de leur communauté.” (Sin Chan 2004 : 159) Ainsi et pour résumer la situation, on peut dire que deux systèmes de représentation et d’organisation des Chinois cohabitent dans le Tahiti de l’époque : l’un endogène à la communauté chinoise par le biais des sociétés informelles (Si Ni Tong et Ng Hang Tong), et l’autre, en quelque sorte exogène et « imposé » par le colonisateur par le biais de congrégations. Par conséquent, on comprend bien que si ces dernières représentent officiellement la population chinoise des EFO, la société Si Ni Tong est pour ainsi dire leur face cachée, la partie officieuse. En 1876, on lui doit la première construction du temple voué à Kanti (Ly 1996 : 129). Par la suite, en 1897, cette société acquiert une terre qui deviendra plus tard le « cimetière chinois ». Ce dernier est à Arue, une com- mune de Tahiti située sur la côte Est de l’île. Mais, en 1911, la société de se- cours mutuels est remplacée par la Société Civile Immobilière Si Ni Tong 17 . Cette dernière a pour mission de gérer ces biens fonciers et immobiliers. Cette « nou- velle » société officielle chinoise oriente également ses activités vers l’entraide so- ciale en direction de ses compatriotes chinois. Elle favorise ainsi le renforcement de réseaux de solidarité au sein de la communauté des EFO. Mais cette dernière est ébranlée à partir de 1912, en raison des événements politiques en Chine. Ces événements surviennent à la suite de la Révolution chinoise du 10 octobre 1911 organisée par SunYat Sen et à la prise de pouvoir deYuan Shikai 18 . En conséquence, la société Si Ni Tong se divise après l’appel de Sun Yat Sen, le chef du Kuo Min 42 17 Elle est représentée par Chin Foo, le principal fondateur de l’Association Philanthropique Chinoise. 18 Après la Révolution de 1911, Sun Yat Sen est élu président provisoire de la République chinoise le 1er jan- vier 1912 à Nankin. Mais Yuan Shikai, nommé commissaire impérial des forces armées, impose ses conditions. En effet, le pays est en proie à la multiplication des militarismes locaux qui déstabilise la Chine. Ainsi, Yuan Shi- kai cherche à instaurer l’Empire à son profit : il a la situation militaire en main et peut écraser les révolutionnaires divisés. Aussi propose-t-il l’abdication de l’empereur mineur Xuantong contre l’effacement de Sun Yat Sen à son profit. L’abdication est chose faite le 12 février 1912. Sun Yat Sen transmet alors la présidence provisoire de la République à Yuan Shikai.

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