Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
Par conséquent, le risque de voir transformée l’Association Philan- thropique Chinoise en « tripot destiné aux jeux d’argent » freine sa naissance. Cependant, d’autres raisons expliquent aussi les réticences de l’administration coloniale. En effet, nous aurions tort d’oublier que la « question chinoise 22 » se développe dans les EFO depuis les années 1900. Aussi, elle est loin d’être résolue en 1921. Par conséquent, on reproche aux Chinois leurs mauvaises mœurs et leurs vices. Ces comportements pourraient en effet mettre en péril la colonie. Leur passion pour les jeux d’argent, la vente et la consommation d’opium sont fréquemment citées en exemple. Le quartier Si Ni Tong, situé autour du marché de Papeete et au cœur de la ville, abrite notamment une fumerie d’opium. Dans les représentations locales, ce quartier accueille la présence de « gens malhonnêtes, de voyous, des Chinois qui n’ont pas réussi ». Si la vente et la consommation d’opium sont illégales, il ne faut pas oublier que l’administration locale alimente un marché légal dans la colonie. Par ailleurs, ce dernier est principalement destiné aux Chinois. Dans un premier temps, l’opium est vendu aux Chinois de la plantation d’Atimaono, fournissant ainsi des revenus pour la colonie. Par la suite, après la fermeture de la planta- tion, les ventes légales continuèrent et s’arrêtèrent progressivement dans les années 1940. Malgré tous ces éléments reprochés aux Chinois, le gouverneur autorise la création de l’« Association Philanthropique Chinoise de l’Océanie Française 23 » par l’arrêté du 20 mai 1921, soit trois mois après, jour pour jour, la formation du Kuo Min Tang de Tahiti. On peut à juste titre se poser la question du revirement 45 22 « Du point de vue officiel, la question chinoise se résumait à savoir si les Chinois pouvaient être assimilés. Pour les Chinois, la question portait plutôt de savoir s’il était juste, sous prétexte de protéger les intérêts tahi- tiens, de maintenir une discrimination envers le groupe le plus productif et industrieux de la population, la grande majorité desquels étaient nés en Polynésie mais à qui l’on refusait la nationalité française… » (Moench 1992 : 23). De plus, il semble que la « question chinoise » divise également l’administration coloniale française en raison de la contribution des activités économiques chinoises à l’économie des EFO, et que les colons européens dé- fendent par ailleurs leurs intérêts économiques (Tchen : 2001). 23 Le 3 décembre 1982, une Assemblée Générale extraordinaire modifie les statuts de l’association, et notam- ment la dénomination de cette dernière : Art. 1, « L’Association déclarée qui existait sous la dénomination : As- sociation Philanthropique Chinoise de l’Océanie Française prend désormais celle de : l’Association Philanthropique Chinoise ». Nous garderons cette dernière dénomination pour éviter toute confusion. Par ail- leurs, Il semblerait que l’association existait déjà sous une forme officieuse : « L’Association Philanthropique Chi- noise de Tahiti fut fondée pendant la Première Guerre mondiale (aucune date précise n’est mentionnée). Parmi les fondateurs, on note notamment MM. Tching She Tchung, Lie Wen Pin, Liou Ming Feng. », ouvrage de l’As- sociation Philanthropique Chinoise, 1971. Si l’on se base sur ces éléments, l’Association Philanthropique au- rait été créée entre 1914 et 1918, et aurait pris une existence légale à partir de 1921, néanmoins le manque de preuve ne nous permet pas de certifier cette hypothèse. Par ailleurs, si l’on adhère à cette supposition, il est alors probable que le contexte politique de l’époque a permis à l’Association Philanthropique Chinoise de prendre of- ficiellement forme.
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