Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

En conséquence, on voit bien que l’unité chinoise, présentée entre autres par les tenants du « Péril Jaune » et de la « question chinoise », fait partie du mythe qui entoure les Chinois. Cette prétendue unité est en fait marquée par les conflits qui opposent les différentes associations chinoises de la colonie. Ces dernières constituent chacune autant de leadership au sens de Moench (Moench 1992 : 22) au sein de la communauté chinoise des EFO. Par exemple, dans ces associations, certaines unions matrimoniales sont notamment déconseillées entre familles aux opinions politiques divergentes. Il en résulte que celles-ci peuvent en arriver à se diviser (Cheng 1998 : 303-304). Pourtant, ces divergences ne réduisent pas fondamentalement l’importance et le rôle majeur des associations chinoises dans la structuration et l’implantation des Chinois dans les EFO. C’est ainsi que des liens socio-économiques s’y tissent, tel le Tung Ka Kan He 30 . Comme on peut donc s’en rendre compte, les associations chinoises forment plus des pôles de développement socioculturel, politique et économique 31 autour desquels les Chinois de Tahiti se structurent. Elles servent également de relais administratif vis-à-vis des autorités françaises. Cependant, la constitution de ces groupes d’association favorise le développement de plusieurs territoires ethniques chinois. Ils forment une toile associative au niveau administratif. Mais, s’ils sont considérés individuellement, chaque élément constitue une entité autonome et indépendante de la communauté chinoise globale. Il en est de même par rapport au reste de la société coloniale. 3) L’Association Philanthropique Chinoise : un territoire ethnique parmi d’autres En 1921, le siège de l’Association Philanthropique Chinoise est situé dans un immeuble du centre-ville de Papeete, rue Nansouty, et à côté d’une autre association chinoise, l’Association Tchi Kung Tang. Par la suite, le nombre sans cesse croissant des membres de l’association et le manque de place poussent ses dirigeants à acheter une propriété. Cette dernière est alors l’objet d’un siège 48 30 Expression hakka désignant un « …système d’organisation basé sur des solidarités plus mécaniques qu’or- ganiques, d’ordre financier ou commercial bien que s’exerçant souvent entre membres d’une même famille ou d’un même clan ayant le même patronyme clanique : Tung Siang. Le Tung Ka Kan He était un outil stratégique d’adaptation dans un système économique où manquait le capital. » (Sin Chan 2004 : 155). Il consistait à ce qu’un marchand de gros fournisse des marchandises à crédit à un petit marchand compatriote ou membre de la famille ou du clan. Ces liens économiques et de solidarité étaient basés sur la confiance, et notamment sur celle que pouvait engendrer les liens de parenté. 31 De nos jours, leurs ramifications peuvent se rejoindre sur certains points, comme les questions du patrimoine collectif de la communauté chinoise ou encore, l’organisation d’événements culturels.

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