Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
permanent. C’est ainsi qu’en 1923, on inaugure le bâtiment en bois, de style colonial avec croisillons et volutes (Wen Fa 1979 : 96), qui devient le centre socioculturel d’une partie de la communauté chinoise de Tahiti. L’édifice est relativement élevé, et le toit est composé de tôles. Au centre de sa façade principale, donnant sur le reste de la propriété, on trouve l’entrée de l’association qui est accessible par deux petits escaliers disposés sur les côtés. Au-dessus de cette entrée, des calligraphies annoncent l’appartenance chinoise des lieux. Elles mentionnent également le nom suivant : Chungfa Fuikong 32 , soit l’Association Philanthropique Chinoise. En somme, cet espace particulier est à la fois une frontière et un espace. Une frontière au sens de Christian Bromberger et Alain Morel (Bromberger, Morel 2000 : 313) car elle introduit une séparation ostensible entre les Chinois et les non-Chinois. Elle est une construction sociale et imaginaire (Moulin 2001 : 36) se basant sur les représentations issues de cet espace qu’est l’association étudiée. Cette frontière est donc définie par des représentations internes et externes. Elle détermine ainsi des limites sociales et culturelles, mais aussi un espace propre à l’Association Philanthropique Chinoise et aux Chinois de Tahiti. Pour ces derniers, et pour les non-Chinois, l’association est sinisée. Cet espace est alors marqué par les sociabilités caractéristiques qui s’y créent et s’y développent en direction des membres de la communauté chinoise. Il délimite par la même occasion un intérieur et un extérieur pour les Chinois fréquentant cette association. Il faut dire que les origines de sa formation et de sa constitution ont sans doute contribué à lui donner ce double statut de frontière et d’espace. On pense notamment à plusieurs facteurs, ceux dépendant des instances administratives et de la stratégie des colonisateurs envers la communauté chinoise d’alors, ce qui apparaît au travers de ce constat 33 : “Certes l’Administration française a participé à la structuration de la com- munauté chinoise de façon indirecte, par la politique discriminatoire menée à l’encontre des envahisseurs jaunes et par une forme d’autogestion qui leur est laissée avec le contrôle des chefs de congrégation désignés car les Chinois n’avaient pas de contact direct avec l’Administration. Ils étaient mis en marge de la société, quasiment rejetés.” (Sin Chan 2004 : 145-146) 49 32 Terme hakka signifiant la « grande association chinoise » ou de Chine 33 L’absence de structure adéquate aux besoins des Chinois de la colonie peut également expliquer la création des associations chinoises. Ainsi, l’initiative est prise par les concernés de fonder l’Association Philanthropique Chinoise étant donné que l’administration ne fait que contrôler leurs faits et gestes, et qu’ils ne peuvent rien at- tendre d’elle.
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