Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
En conséquence, le maintien d’une frontière socioculturelle et l’emploi particulier de cet espace fondent son développement en tant que territoire ethnique 34 . Il semble donc que les associations chinoises, dont l’Association Philanthropique Chinoise, peuvent être considérées comme des territoires ethniques, c’est-à-dire des territoires clos et refermés sur eux-mêmes. De plus, ces derniers sont également marqués par des relations sociales propres aux Chinois de Tahiti. Étant minoritaires, de nationalité étrangère et non désirés, les Chinois doivent se regrouper pour préserver leurs particularités et pour se développer face à un milieu hostile qui se caractérise par sa xénophobie. En cela, l’Association Philanthropique Chinoise constitue un lieu sécurisant et stable, permettant de perpé- tuer et d’exprimer une culture face à un environnement contraignant tout autant que de se créer des repères socioculturels. Ainsi, à la fonction d’espace ethnique que remplit l’association on peut avancer qu’elle remplit également celle d’espace de l’entre-soi au sens de Stéphane Laurens et Nicolas Roussiau, où se perpétue, dans une dialectique constante avec la société d’accueil, la culture chinoise. Cet espace repose sur deux dynamiques différentes qui se croisent pour former les limites de la communauté chinoise : une frontière interne, les Chinois des EFO, et une frontière externe, ses rapports avec la société d’accueil (Laurens, Roussiau 2002 : 205). L’appropriation de l’espace par la dénomination vise également à territorialiser cet espace. Elle le rend toujours plus « ethnique », d’où le nom hakka : Chungfa Fuikong, connu uniquement des Chinois de la colonie. Cette appellation est alors un des marqueurs du territoire (Goffman : 1973) permettant de revendiquer et de posséder cet espace. Par ailleurs, ce qui est aussi perceptible au travers du style architectural du siège de l’association ou par son enseigne. En tant que structure communautaire, l’Association Philanthropique Chinoise est un lieu de vie et d’expression identitaire pour une partie de la communauté chinoise qui se structure autour d’elle et en elle. La description des quelques grands événements culturels chinois suivants permet de l’attester encore un peu plus. Les Chinois considèrent que leur vie est marquée par trois étapes majeures : la naissance, le mariage et la mort (Sin Chan 2004 : 243-309). Des rites et des fêtes y sont donc associés, rythmant leur vie et leur quotidien, et certains de ces événements se déroulent dans les associations chinoises de l’époque. Ces lieux de sociabilité privilégiés offrent 50 34 Dans le contexte décrit, le territoire ethnique fait référence à la notion de groupe ethnique comme « ensemble humain possédant une certaine homogénéité du point de vue socioculturel ». L’Association Philanthropique Chinoise pourrait notamment être assimilée à un « village urbain » (Battegay 1992 : 83-99).
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