Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

structure scolaire est concomitante avec celle instituée au sein de l’École Philan- thropique Chinoise. Dans les années 1940, les écoles du Koo Men Tong 37 et du Kuo Min Tang de Uturoa (à Raiatea, une île située au nord-ouest de Tahiti) ouvrent également leurs portes. Par conséquent, trois écoles chinoises se chargent d’édu- quer les jeunes membres de la communauté chinoise de Tahiti. Il semble qu’elles aient réuni plus de mille élèves lors de leur période charnière, c’est-à-dire lors de leur création et jusqu’à la fin des années 1940 (Wen Fa 1977 : 6). En fait, si l’on examine de près la question, il apparaît que leur création n’a pas pour objet de satisfaire la demande chinoise, mais d’inciter la scolarisation des métis océaniens dans les EFO au profit du colonisateur. En effet, ces derniers considèrent les métis ou les Demis « comme les meilleurs éléments » de la colonie. De plus, leurs intérêts rentrent également en contradiction avec ceux de la communauté chinoise des EFO. C’est du moins ce qu’il ressort de la lettre reproduite ci-dessous : “Par lettre n° 93 AGF du 2 mars 1937, répondant à ma dépêche n° 31 du 24 Octobre 1936, votre prédécesseur n° 31 du 24 Octobre 1936, votre prédécesseur m’a rendu compte que les départs en Chine de jeunes métis, nés dans la Colonie d’un père chinois, ne semblaient pas avoir été atténués par la création de deux écoles chinoises de Papeete. M. Sautot ajoutait qu’il paraissait nécessaire de prendre certaines mesures pour empêcher cet exode des meilleurs éléments du pays. En vous confirmant les termes de ma dépêche précitée, j’ai l’honneur de vous faire connaître que les dispositions du décret du 9 juillet 1933 s’opposent à l’interdiction, par voie de mesure générale, de l’envoi de ces enfants dans le pays d’origine de leur père, quand leur mère y consent. Il vous appartient, néanmoins, lorsque vous êtes saisi de demandes de cet ordre, d’user de toute votre influence auprès des parents pour les engager à ne pas expatrier leurs enfants et leur montrer l’intérêt qu’ils ont à les faire instruire dans les écoles chinoises de Papeete, créées spécialement à cet effet 38 .” Ainsi, les métis océaniens sont considérés comme les « meilleurs éléments du pays ». Car ils allieraient les qualités des Chinois et des Tahitiens 39 . Certains ont même écrit que ce métissage donne une race plus virile (T’Serstevens 1950 : 151-152). Par ailleurs, cette voie constitue à long terme une solution à la 53 37 L’association Koo Men tong (Lao Tong) ou Association Amicale de la Chine Libre de Tahiti est issue d’une scission avec le Kuo Min Tang (Sin Tong). Elle est formée en 1938 et est reconnue officiellement par Tchang Kai-Chek. 38 Source : AP. Série 48W. Lettre du Ministre des Colonies au Gouverneur des EFO. 21 août 1937. 39 Par exemple, “l’intelligence du Chinois liée à la force physique du Tahitien” selon le discours colonial.

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