Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

« question chinoise », car l’accroissement de cette population est souhaité en vue de remplacer les Chinois des EFO. C’est ce qui apparaît dans cet extrait d’un rapport sur la colonie : “S’il est vrai que le Chinois soit un danger pour l’avenir politique de la colonie, il n’en est pas moins une nécessité pour sa vie économique actuelle. C’est avec son aide consciente ou inconsciente que doit être tentée l’œuvre de repeuplement de la colonie par la race tahitienne devenue française ; le jour où la population française sera numériquement et économiquement assez forte. La question chinoise sera résolue par l’élimination automatique des Chinois 40 .” En effet, pour les propagateurs du « Péril Jaune », les métis océaniens ne sont pas des Chinois mais des Tahitiens. Ce sont par conséquent des Français. Ils constituent donc un enjeu important dans la « question chinoise », d’où le rôle majeur que peuvent tenir les écoles chinoises dans cette affaire. Ainsi, l’administration coloniale française essaie de garder les métis dans la colonie. Elle tente de les éduquer suivant des valeurs et des références françaises. Les écoles chinoises sont donc approuvées dans ce but. Mais les objectifs d’accul- turation 41 et d’intégration attribués aux écoles chinoises par l’administration française s’opposent aux objectifs de transmission culturelle des Chinois. Outre le fait que l’accès des établissements scolaires publics leur est refusé à cause de leur nationalité, il y a ceux qui ne possèdent pas les moyens ou le désir d’envoyer leurs enfants en Chine. Les écoles chinoises restent alors les seuls outils disponibles pour donner à ces enfants une éducation et une culture chinoise approfondie. Ces écoles, dont celle de Chungfa Fuikong, tiennent donc un rôle important dans la transmission de la culture chinoise et hakka. Elles participent ainsi à la perpétuation et à la construction identitaire de leurs élèves. Cette pratique relève d’une logique communautaire. De plus, dans une perspective de retour en Chine (Wong-Hee-Kam 1996 : 245-250) et de cloisonnement communautaire, les Chinois n’ont aucun intérêt à enseigner et à apprendre la langue, ainsi que la culture de Molière. Il leur est préférable de connaître la langue et la culture de leurs ancêtres pour ne pas être « décalé » lors dudit retour : 54 40 Source : FM. S.G. Océanie. Série Q. Carton 134. Extraits du rapport n° 3 du 6 février 1922, Mission de l’Inspection Laperge, Papeete, 1927. 41 Selon la formule de Bastide, il s’agit de l’« interpénétration des civilisations ». Dans son ouvrage Anthropo- logie appliquée, il s’appuie sur la définition qu’en donne le Memorandum de Redfield, Linton et Herskovits : « L’acculturation est l’ensemble des phénomènes qui résultent de ce que des groupes d’individus de cultures différentes entrent en contact continu et direct et des changements qui se produisent dans les patrons (pattern) culturels originaux de l’un ou des deux groupes… » (Bastide 1971 : 46-47)

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