Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
« Nous, avant, dans le milieu chinois, on veut pas fréquenter les Tahitiens. Là, une grande différence avec aujourd’hui, il ne faut pas se mélanger, fréquenter les Tahitiens, faut fréquenter dans le milieu chinois et hakka 42 seulement. Parce que les Chinois dans le temps, il veut que nous ce soit chinois et rentré en Chine. Il faut pas vivre à Tahiti. Parce qu’en ce temps-là, on est chinois, on n’est pas français, même pas tahitien. On parle pas polynésien dans le temps. On est chinois. On a une carte étrangère, chacun son numéro. On descend de Raiatea ou de Moorea, il faut déclarer au commissariat avec ton numéro : combien de jours. Numéro de carte d’identité étrangère 43 … » On retrouve dans ce témoignage l’idée d’un environnement contraignant. D’autres idées sont également développées : celles d’une formation commu- nautaire forte, d’une communauté refermée sur elle-même, et d’un sentiment ferme d’appartenance ethnique hakka 44 . Au fil du temps, le groupe hakka a eu tendance à s’ouvrir vers l’autre groupe ethnique chinois des EFO : les Puntis, et inversement. En effet, vers la fin des années 1950, Moench R.U. constate que peu de Hakkas connaissent la langue des Puntis et que les Puntis sont « forcés » d’apprendre le hakka. Il ajoute également que leurs enfants, en fréquentant les écoles chinoises, deviennent ainsi des Hakkas (Moench : 1961). Le dévelop- pement des inter-mariages entre Hakkas et Puntis est un élément d’explication à ce phénomène. Ainsi, l’École Philanthropique Chinoise dispense principalement un enseignement chinois et hakka. On y entre vers l’âge de six ans suivant la volonté et la « décision des parents ». La volonté de donner une éducation chinoise est donc bien réelle chez les immigrants chinois. Ce qui s’explique par le fait que ces derniers pensent que les EFO ne constituent qu’un passage dans leur vie, et qu’après avoir fait fortune, ils rentreront en Chine par la suite. D’où cette nécessité de donner à leurs enfants une éducation chinoise, et notamment 55 42 Cette précision nous relate que dans les EFO, le groupe hakka se définit également par rapport au groupe punti, et que des divisions semblent toujours exister entre les deux ethnies. Rappelons que l’identité du groupe ethnique est déterminée selon les différences et les relations dialogiques avec les « autres » groupes (Pouti- gnat, Streiff-Fenart : 1995). 43 Interview effectuée par Michèle de Chazeaux, chroniqueuse de la société polynésienne, installée depuis plus de trente ans en Polynésie française, auprès d’un Hakka de Tahiti, ancien élève de l’École Philanthropique Chinoise, 2004, en vue de constituer des archives audiovisuelles sur les Chinois de Tahiti. Projet mené par l’Association Philanthropique Chinoise. 44 L’identité hakka est donc affirmée et revendiquée. Le groupe possède des éléments culturels particuliers qui le distinguent des autres groupes non-hakka. La langue hakka est un de ces référents spécifiques à cette culture. Par ailleurs, la référence langagière et dialectale est souvent utilisée pour caractériser l’identité d’un groupe ethnique.
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