Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
d’apprendre le hakka et le mandarin, pour qu’ils ne deviennent pas des « Chinois à part ». Car le fait de ne pas maîtriser l’une de ces deux langues équivaut à ne pas être considéré comme « Chinois » par certains de « ses semblables ». En effet, la « barrière de la langue » peut alors constituer un facteur de discrimination comme à la Réunion (Wong-Hee-Kam 1996 : 245-250). Par ailleurs, il apparaît que dans un premier temps, l’instruction est réservée aux garçons. Car la situation sociale de l’homme est supérieure à celle de la femme dans la société traditionnelle chinoise (Cheung Shui-Cheng : 1998). Ainsi, les filles n’ont pas le droit de fréquenter l’école. L’éducation chinoise privilégiant les hommes, ces derniers ont plus d’instruction que les femmes. Les jeunes filles apprennent auprès de leurs mères à tenir une maison, à résoudre les tâches domestiques et à élever leurs futurs enfants selon la tradition chinoise. En somme, elles se préparent à être de bonnes épouses et de bonnes mères. En effet, il ne faut pas oublier que la famille chinoise, et notamment hakka, est à tendance patriarcale (Shan Ching Seong 2003 : 8). Par la suite, les filles sont autorisées à fréquenter les écoles chinoises, du fait de la prise de conscience par les parents de l’importance de la scolarisation. Pour preuve, certaines anciennes élèves de l’Association Philanthropique Chinoise fréquentent encore cette association. De plus : “S’il arrive que certains enfants soient inscrits à la fois dans les écoles françaises et chinoises, les filles sont très souvent scolarisées uniquement dans le cadre de ces écoles associatives.” (Saura 2002 : 133) Cette tendance s’explique peut-être par les frais de scolarité élevés. Selon la tradition chinoise, on se doit d’offrir aux garçons la meilleure instruction. Néanmoins, il ne faut pas y voir un « effet de masse » de la part de la population chinoise des EFO. Ainsi, il faut se garder de généraliser le phénomène, jusqu’à en faire une tendance irréversible. En effet, à partir de 1945, de nombreuses filles en milieu urbain ne sont pas scolarisées (Shan Ching Seong 1990 : 43-44). Comme on vient de le voir, les écoles chinoises représentent des enjeux politiques et socioculturels importants pour les Chinois, mais également pour l’administration coloniale. Pourtant, faute de moyen de contrôle adéquat de la part des autorités administratives, ces écoles offrent à leurs élèves un ensei- gnement entièrement orienté sur la culture chinoise. L’école de l’Association Philanthropique Chinoise en est un exemple. Au lieu de « créer » des Français, elle ne fait en somme que « reproduire » des Chinois. 56
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