Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
En conséquence, l’Association Philanthropique Chinoise renvoie à une sorte d’« âge d’or », où l’union, la convivialité et la solidarité étaient les maîtres mots de la communauté chinoise de Polynésie française. Elle est un de ces lieux de mémoire 57 (Nora : 1997) où s’exerce la mémoire collective 58 . Cette dernière est notamment issue de la mémoire sociale (Halbwachs : 1950), c’est- à-dire que ce processus de reconstruction du passé est conditionné par la vie sociale. Ainsi, la mémoire collective et individuelle s’incarne dans l’Association Philanthropique Chinoise. Elle fait de ce lieu un des cadres sociaux de la mémoire 59 . Il s’agit non seulement de la mémoire de l’association mais aussi de celle de la communauté chinoise. En conséquence, cette association est un espace favorable à la mémorisation. Elle participe ainsi à la construction perpétuelle de la mémoire collective et individuelle (Candau 1998 : 1). Ce lieu est « saturé » d’événements en rapport avec les Chinois des EFO : les mariages, les fêtes, les cérémonies funéraires… La mémoire se construit ainsi dans ce cadre spatial du groupe (Halbwachs : 1950). Elle s’intègre et s’insère dans l’espace. Par ailleurs, cette formation de la mémoire forme aussi une identité locale propre à cette association. Elle s’accompagne également d’une communalisation 60 de la mémoire par son intermédiaire. Cette communalisation est favorisée par le regroupement des Chinois et par le contexte insulaire de Tahiti. En effet, le communautarisme de l’Association Philanthropique Chinoise favorise le développement d’une mémoire communalisée. L’évocation des fêtes ou d’autres activités organisées par cette association est l’occasion d’émettre et de réactualiser, voire de reconstruire, cette mémoire collective. Beaucoup se souviennent encore, avec nostalgie ou ravissement, de l’Association 66 57 « S’il est des lieux qui semblent surdéterminés par la mémoire, davantage voués que d’autres à l’accueillir, c’est parce qu’elle y a déjà travaillé et a déposé, au fil du temps, des couches successives de sédiments mémoriels au point, parfois, de saturer de sens ces sites particuliers. » (Candau 1996 : 116) 58 Selon Candau, la mémoire collective est une représentation, « c’est-à-dire un énoncé que des membres d’un groupe vont produire à propos d’une mémoire supposée commune à tous les membres de ce groupe. » (Candau 1998 : 16) 59 « …nous complétons nos souvenirs en nous aidant, au moins en partie, de la mémoire des autres. » (Halbwachs 1925 : 21) 60 « …tandis qu’il est facile de se faire oublier dans une grande ville, les habitants d’un village ne cessent pas de s’observer, et la mémoire de leur groupe enregistre fidèlement tout ce qu’elle peut atteindre des faits et gestes de chacun d’eux, parce qu’ils réagissent sur toute cette petite société et contribuent à la modifier (Halbwachs 1950 : 68)… Il y a alors, pour adopter un langage wébérien, communalisation de la mémoire, qui peut être objective lorsqu’il s’agit d’une mémoire événementielle et qui est au moins le sentiment subjectif qu’ont les individus membres d’un groupe de partager la même mémoire. Les sociétés d’interconnaissance sont donc plus propices à la constitution d’une mémoire collective. » (Candau 1998 : 41)
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