Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

passé ». Par ailleurs, cette association et son bâtiment, au cœur de la ville de Papeete, incarnent une référence identitaire chinoise et hakka. Ils renvoient, pour celui qui les regarde, à une présence chinoise et constituent aussi un référent identitaire pour la communauté chinoise de Tahiti. Ensuite, ce lieu est chargé d’une histoire et d’une mémoire qui se combinent mutuellement. Ainsi, les photos des Anciens et des fondateurs, situées dans la salle du haut au pre- mier étage, sont pour certains des visages anonymes. Mais pour d’autres, ces portraits leur parlent autrement. En somme, ils rappellent à tous les visiteurs la valeur historique de ce lieu. Ils deviennent également des objets de mémoire où cette dernière peut s’exercer. Les arrière-grands-parents des uns ou les grands-parents des autres, ou encore leurs parents figurent en bonne place. Ces portraits renvoient au sentiment que tout est parti d’ailleurs, et que tous les Chinois de Polynésie française sont liés les uns avec les autres. Enfin, une image, celle d’une mère chinoise montrant à son enfant la photo de son grand- père, vient souligner que l’Association Philanthropique Chinoise est un objet lié au passé, à l’histoire même de la Polynésie française. Par conséquent, cette association produit une mémoire locale au sens de Hervé Glevarec et Guy Saez : “D’expressément nationale et politique, la mémoire devient locale et sociale. Elle se fixe sur des objets qu’elle transforme en témoignages : « L’objet visuel désaffecté prend une valeur de signe attachant, d’indicateur de l’existence laborieuse, de révélateur humain ; la ferme, l’atelier, la boutique d’autrefois deviennent maintenant ce qu’avaient été pour les générations antérieures l’église, le site, le château.” (Gleyarec, Saez 2002 : 256) Cette patrimonialisation de la mémoire, à travers l’Association Philanthropique Chinoise, aboutit à la construction d’une identité territoriale et d’une mémoire propres à ce groupe. Une culture d’association se forme alors à travers le temps, à partir des héritages des membres qui s’entremêlent et se sédimentent : “La construction d’une mémoire cherche à créer une durée propre au groupe qui lui permet de rester semblable à lui-même dans le temps. Il se construit alors une histoire propre, particulière, qui le singularise des autres groupes. Plusieurs modes d’inscription dans le temps sont mis en œuvre par les dias- poras. La construction d’une généalogie est l’un de ces principaux aspects aux côtés de la création d’un territoire diasporique, qui intègre dans une même entité le territoire d’origine ainsi que les différents lieux de l’exil.” (Laurens, Roussiau 2002 : 208) 72

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