Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
Ainsi, on peut dire que notre association procède de cette logique. La mémoire créée souligne les particularismes des Chinois de Polynésie française, notamment les particularismes de nature historique et sociale. On peut donc constater que l’Association Philanthropique Chinoise est un patrimoine « réel » ou « matériel », palpable et offert à la vue de tous. Ce dernier représente une partie de l’histoire de la communauté chinoise de la Polynésie française et l’implantation matérielle des Chinois dans la société tahitienne. Mais c’est également un patrimoine « idéel » au sens de Maurice Godelier, pour lequel : “L’idéel ne s’oppose pas au matériel, puisque penser c’est mettre en mouvement la matière, le cerveau : l’idée est une réalité mais une réalité non sensible. L’idéel est donc ce que fait la pensée, et sa diversité correspond à celle des fonctions de la pensée. Quelles sont donc les fonctions de la pensée et de ses représentations ?” (Godelier 1984 : 199) Par exemple, cette association renvoie notamment à cet « âge d’or » de la communauté chinoise de Polynésie française. Il s’agit ainsi d’un référent dans les représentations collectives. Ou encore, chez certains Chinois, l’Asso- ciation Philanthropique Chinoise évoque le dernier endroit où survivent encore les Anciens et leur idéaux. Ces derniers marquent ainsi de toute leur sinité ou de leur « hakkaité » cet espace. Ils refusent donc de s’intégrer et d’épouser la terre qui les a accueillis. Chez d’autres, l’Association Philanthro- pique Chinoise constitue un lien avec la Chine. Leurs pensées vont jusqu’à faire de cette association un symbole du village natal. Il s’agit du village où se trouvent les ancêtres et d’où sont partis les aïeuls. Des parallélismes semblent donc être faits dans les représentations des uns et des autres, entre structure villageoise et structure associative. C’est du moins ce que laisse penser le témoignage de Martin, à travers les souvenirs de « l’époque » de son père : « À l’époque, c’était comme un village. Cette école vivait quasiment en autar- cie. On avait pas besoin de son voisin de Taiwan pour y vivre ou pour faire la fête, pour apprendre, pour manger ou autre chose. C’était bien complet quand on voulait jouer au football, on était suffisamment nombreux pour faire deux équipes, sortir en boîte… En faisant plusieurs voyages en Chine pour visiter mon grand-père, dans son village natal, c’était ça. C’était le village en autarcie. On avait pas besoin du village voisin, on avait notre riz, notre légume, notre viande, notre four, notre arachide… » 73
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