Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

d’animation, et dans chaque animation il y avait la musique, la gaieté, énormément de gens. Je ne me rappelle pas s’il y avait beaucoup de bagarres, mais des engueulades : oui. On parlait à haute voix. C’était hyper hyper vivant ! Je me rappelle très bien de cela ! Il y avait beaucoup de choses qui se passaient ! » Au travers de cet extrait, on voit qu’il existe un attachement à des images liées à cet espace 70 . Par la suite, ces dernières, relevant aussi bien de l’individu que du groupe, sont naturellement comparées à ce qu’est maintenant devenue l’Association Philanthropique Chinoise, c’est-à-dire, un lieu où « il ne se passe plus rien : une association vide ! Une association morte ! ». Ce constat négatif de la part des Chinois de Polynésie française 71 résulte de la comparaison qui a été mentionnée entre ce qui fut avant et ce qui est aujourd’hui. Cette com- paraison provoque chez l’individu le sentiment que « quelque chose » a été perdu à jamais. Ce qui fait de l’association un lieu sans vie ou encore un lieu de passage. Ce lieu aurait donc perdu son identité. Ainsi, d’un lieu, l’Association Philanthropique Chinoise est progres- sivement devenue un non-lieu dans les représentations des membres de la communauté. Pour mieux comprendre ces deux concepts, il est possible de reprendre la définition qu’en propose Marc Augé. Il faut toutefois garder en mémoire que sa pertinence, avec notre réflexion, s’inscrit dans un contexte de comparaison entre un « avant » (aux débuts de l’Association) et un « après » (ce qu’elle est devenue maintenant). Par conséquent : “Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un es- pace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu.” (Augé 1992 : 100) La désaffection à l’égard de l’association, c’est-à-dire le fait que l’endroit n’est plus aussi vivant et plein qu’auparavant 72 , et l’oubli 73 de l’existence 79 70 « Ces marqueurs nostalgiques participent à la reconstruction du passé, participent à la définition de l’identité et participent aussi à la mise en place de l’avenir car, en précisant ce que le groupe est et d’où il vient, il affirme ce qu’il désire et ce qu’il veut être…Ainsi avec le sentiment de nostalgie, le passé glorieux et les origines mythiques sont élaborés, mais en plus, ce sentiment devient une force qui va bien au-delà de l’évocation et pousse à la recherche et, par la suite, à la reconstruction de ce passé idéal. Un passé qui n’est pas seulement une histoire individuelle familiale et locale, mais devient une histoire collective, nationale qui se retrace et cherche son chemin à travers les siècles… » (Laurens, Roussiau 2002 : 260-261) 71 Il est possible d’étendre ce constat aux autres associations chinoises, comme le Kuo Min Tang ou le Koo Men Tong. 72 « L’opposition du plein et du vide apporte une nuance à celle du lieu et du non-lieu. Certes, en première ap- parence, on peut appréhender le lieu comme essentiellement plein. Il est plein de sens social et la redondance du social et du spatial pourrait définir le lieu idéal comme celui où tout fait sens… Mais c’est d’une manière plus immédiatement perceptible que l’opposition du vide et du plein peut servir à qualifier les non-lieux, … (voir suite page suivante)

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