Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
associatif. Elle peut notamment se baser sur des critères ethniques. Par consé- quent, les membres de cette association chinoise ont marqué et continuent de marquer cet espace. Ce dernier apparaît alors comme un mode d’expression culturel et identitaire. En fait, il s’agit du « refuge 77 » de leur identité chinoise par rapport aux «Autres ». Si la « barrière » est moins matérielle et physique, elle est plus idéelle et imaginaire. Cette barrière s’inscrit dans les représentations et les rapports avec les non-Chinois. Par exemple, on peut en venir à parler d’une tierce personne non-chinoise quand elle entre dans l’association. Ainsi, on se pose mutuellement des questions en hakka sur elle (qui est-elle ? que fait-elle là ?…). Une différenciation est alors faite. De plus, ce sont les membres de l’Association Philanthropique Chinoise qui font de cette association un espace privé. Les expressions employées par ses membres le confirment : « C’est chez nous ! C’est la maison de tous les Chinois ! On est Chungfa Fuikong ! Nous sommes de Philanthropique !... » En tant que lieu et espace privé, les membres de l’Association Philan- thropique Chinoise n’ont jamais cessé de territorialiser collectivement et indi- viduellement cet espace. On parle ainsi des territoires du moi 78 définis par Erving Goffman. Ils concernent l’appropriation et la territorialisation d’un es- pace par un individu (Goffman 1973 : 43-70). Ces territoires font l’objet de l’exercice d’un droit par un individu ou un groupe. Ces derniers les possèdent et les contrôlent. Ils en réglementent l’usage, les limites et la disposition. Par ailleurs, les territoires du moi peuvent être un « bien » matériel ou non. Erving Goffman ajoute que : “Les territoires varient selon leur organisation. Certains sont « fixes », ils sont géographiquement jalonnés et dépendent d’un seul ayant droit, souvent soutenu par la loi et les tribunaux. Ce sont par exemple les champs, les cours et les 83 77 Il paraît important de préciser que malgré la naturalisation massive des Chinois de Polynésie française en 1973, l’Association Philanthropique Chinoise a toujours conservé sa fonction de refuge. Par ailleurs, n’est- ce pas une des caractéristiques des Hakkas ? « La communauté hakka est bien différente des autres groupes ethniques qui résident en Polynésie française et elle cherche à se différencier dans ses façons de faire et de penser tout en allant s’enrichir des objets et idées des autres groupes. Car ce qui m’apparaît aussi essentiel c’est que la majorité de ses membres exprime une certaine volonté à se définir comme hakka et comme chinois, à marquer donc leur différence d’avec les autres Polynésiens quoiqu’ils en disent. Les actes ne mentent pas et nous le prouvent. C’est cette volonté d’être hakka et d’être différent de l’autre qui permet de sauvegarder l’identité hakka malgré les constituants qui évoluent… Une culture, ça se cultive ! » (Sin Chan E. 2004 : 317) 78 Il existe huit territoires du moi selon Erving Goffman : l’espace personnel, la place (stall), l’espace utile, le tour, l’enveloppe, le territoire de la possession, les réserves d’information et les domaines réservés de la conversa- tion (Goffman 1973 : 44-54).
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