Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
maisons. Certains sont « situationnels » ; ils font partie de l’équipement fixe du lieu (qu’il soit propriété publique ou privée), mais ils sont mis à la disposition de la foule en tant que biens d’usage. On y perçoit une location temporaire, qui se mesure en secondes, en minutes ou en heures, qui n’est pas formalisée et qui soulève constamment des problèmes de commencement et de fin. Ce sont par exemple les bancs publics et les tables de restaurants. Enfin, il y a les réserves « égocentriques » qui gravitent autour de l’ayant droit. Elles sont typiquement (mais pas nécessairement) revendiquées à long terme. Ce sont par exemple les sacs à main. Cette partition en trois n’a bien sûr qu’un certain degré de validité.” (Goffman 1973 : 43-44) Ainsi, les attitudes nonchalantes et décontractées témoignent de cette relation intime que l’on possède avec le lieu. Elles indiquent également cette territorialisation d’un espace privé, contrairement à celui qui n’est que l’utilisateur du non-lieu (lieu et non-lieu étant définis selon les sens qu’en donne Marc Augé). Cet utilisateur du non-lieu effectue généralement un passage furtif et rapide. Il ne s’attarde pas à l’association. Sa territorialisation est éphémère, voire biaisée par la possession de cet espace par les membres ou les anciens membres de l’Association Philanthropique Chinoise. Par ailleurs, lors des manifestations publiques, l’utilisateur du non-lieu se met généralement à l’écart. Il observe et scrute ce lieu tout en essayant de se familiariser avec lui. Il s’installe parfois sur un des balcons du bâtiment, pensant être caché et pensant voir sans être vu. Ces comportements se retrouvent principalement chez les personnes extérieures au groupe ethnique chinois. On pourrait dire qu’elles ne se « sentent » pas à leur place, car elles se représentent l’association comme un territoire ethnique. Ce qui n’est pas faux dans la mesure où cet espace est tout de même sinisé par son architecture, mais également par les personnes qui l’occupent. Par exemple, lors des réunions, la table est « territorialisée ». Chacun a sa place et ses habitudes. Les uns s’asseyent toujours à côté des mêmes, et l’on commence à discuter de tout et de rien. Cet acte favorise la création et le développement de liens intimes. Par conséquent, on constate que le corps associatif et le bâtiment qu’il occupe ont tendance à se confondre. En somme, on peut dire que ce corps associatif constitue la partie immatérielle de l’association. Car cette dernière n’existe que parce que des hommes l’ont créée, se rassemblent, agissent ensemble, et la pensent. Une association évolue ainsi dans un espace/temps en fonction de ses membres. En effet, le corps associatif d’une association n’est pas un élément fixe et immuable. Ainsi, les membres du bureau et du conseil d’administration 84
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