Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
Hakkas. Ernest Sin Chan confirme notamment l’importance du Siang 94 chez les Hakkas en tant qu’élément constitutif de leur identité (Sin Chan 2004 : 264-265) 95 . Une fois le Siang obtenu, l’identité du questionné se dévoile peu à peu au fil de questions plus approfondies : « Qui est ton père ? Ta mère ? Tes grands- parents ? Où habitent-ils ?... ». Ainsi, il s’agit de la « présentation classique » des Chinois, et comme le résume John : « parce que ça marche comme ça chez les Chinois. » Par la suite, grande peut être la surprise de savoir qu’un tel ou une telle ont connu des membres de la famille proche (père, mère, oncle, cousin…), mais également que certains ont un Siang identique, et donc le même Ancêtre commun. Tahiti est une petite île, et elle l’est encore plus pour les Chinois de cette île « perdue » au milieu du Pacifique. Le contexte insulaire et la proximité qui l’accompagne favorisent les rapprochements, mais également le fait que « tout se sait un jour ou l’autre et que tout le monde connaît tout le monde ». Si vous ne connaissez pas personnellement quelqu’un, vous connaissez forcément quelqu’un qui le connaît. Ainsi, Tahiti ressemble à un « gros village » où chacun a un œil sur l’autre. Ce qui ne favorise pas l’anonymat et l’intimité, notamment en ce qui concerne les rapports intra-chinois. Cela peut être perçu de manières variables, aussi bien positivement que négativement, ou constituer une impression d’enfermement notamment en ce qui concerne l’Association Philanthropique Chinoise. Jade en parle ainsi : « À mon avis, l’association est assez fermée. Ne serait-ce que par le comment ils nous introduisent dans l’association. J’ai trouvé ça hallucinant, c’est-à- dire par rapport aux autres associations, on te convoque quand il y a tout le monde au Conseil d’Administration, on te demande ton pedigree et si ça va, c’est bon quoi. J’ai trouvé ça un peu bizarre. J’ai pensé à des sectes ou à des franc-maçonneries. Alors que dans d’autres associations, c’est l’intérêt com- mun qui fait que l’on t’accepte tel que tu es, sans te demander, sans te poser des 97 94 « L’oubli du Siang, c’est l’oubli de l’ancêtre, c’est l’oubli, la méconnaissance de ses origines, ou encore l’éloi- gnement de ses origines, ses ancêtres, son clan et son groupe, cela se traduisant notamment par le non- respect du culte des morts et des ancêtres dont les vivants de la lignée sont le prolongement. Souvent les membres d’une lignée traduisent l’ignorance de certains, de leurs lignagers, de leur patronyme et de leur affiliation au même ancêtre fondateur par l’expression : ts’i ka vouk k’a ngin tsou mg ti, les personnes de notre maisonnée ou de notre lignée, ils ne les connaissent même pas. » (Sin Chan 2005 : 402). Si la présentation du Siang est fondamentale dans la rencontre entre deux Hakkas, cette pratique tend à ne plus être systématiquement sui- vie par les jeunes générations hakkas en Polynésie française. Le prénom suffit à identifier l’individu comme il en est selon la nomination française et occidentale. 95 Cette pratique pourrait s’expliquer dans la mesure où la prohibition de l’inceste est renforcée par la pensée occidentale et la religion chrétienne. En effet, le contexte insulaire constitue un facteur de risque dans la ren- contre potentielle d’un partenaire.
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