Désillusions de jeunesse

Quelques jours plus tard, un mercredi après-midi, nous étions affairées autour dumiroir de la chambre deHere, des accessoires de toutes sortes s'étalaient pêle-mêle sur le meuble qui faisait office de coiffeuse. Le sujet de conversation tournait infailliblement autour de l'élection et les commentaires allaient bon train. Chacune s'évertuait à trouver l'idée qui allait lamettre en valeur le jour J, qui de la tenue, qui des accessoires, qui de la coiffure... Le ton était parfois survolté, mais quelques notes d'humour nous permettaient rapidement de détendre l'atmosphère, jusqu'au moment où l'ambiance prit une tournure inattendue qui m'atteignit telle une flèche en plein cœur : - Tekina, en as-tu parlé à ton père ? demanda Here, soudain inquiète. - Ne t'en fais pas ; mon père, j'en fais mon affaire ! mentis-je, feignant de tracer un trait noir sur mes paupières entrouvertes, pour ne pas croiser deux paires d'yeux empreints d'un doute qui m’aurait fait dresser les cheveux sur la tête. - Arrête Tekina, je ne veux pas avoir d'histoire avec lui, tu as intérêt à le prévenir avant ; car te connaissant, je te sens bien capable de le mettre devant le fait accompli... Tu te rappelles la fois où... - Tu es folle, Tekina ! interféra Rava, estomaquée elle aussi, manquant de se blesser le coin de l’œil avec son pinceau. Moi non plus, je ne veux pas avoir affaire à lui, surtout qu'il travaille avec mon père ! Et puis, n'oublie pas que la télévision sera présente, tu ne pourras pas passer inaperçue... - Arrêtez les filles, pas de souci, laissez-moi faire !... Faites-moi donc confiance. Un silence de marbre s'installa un court instant. Je sentais ma gorge se nouer, il me fallut me ressaisir rapidement pour me tirer d'affaire. Le plus calmement du monde, je tâchai de prendre un ton détaché pour détourner la conversation. - Vous voudrez bien changer de sujet, s'il vous plaît, mesdemoiselles ? Et si nous parlions de notre programme de mise en beauté, hein ? Comme mes amies me connaissaient bien ! Elles avaient lu dans mes pensées comme dans un livre ouvert. Je ne pouvais rien leur cacher, elles me connaissaient par cœur... Mais elles ne savaient pas tout, pas encore : les lots, je les voulais, oui, pour moi seule ! Tous les atouts étaient de mon côté, je n'avais aucun doute de ce côté-là. Concernant mon père, je savais pertinemment qu'en aucun cas il ne devait être au courant. Ma stratégie devrait réussir... 6

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