Une histoire de l'Océanie

CONCLUSION Les Occidentaux ont fait irruption en Océanie au XVIe siècle. Les Océaniens, durant les siècles de confrontation avec les Occidentaux, ont survécu au choc microbien. Ils ont subi la domination coloniale qui a tracé des frontières, changé la vie matérielle et imposé de nouvelles façons de penser. Les religions anciennes ont cédé la place à un christianisme hégémonique en Océanie. Les Océaniens se sont adaptés à ces situations et ont construit de nouvelles civilisations. Celles-ci associent traditions et christianisme, pratiques autarciques et comportements modernes. Un conservatisme mi-coutumier mi-religieux rassure les populations mais en même temps ralentit les changements. Presque partout, les langues ont survécu même si elles sont concurrencées par l’anglais, le français (et l’espagnol à Rapa Nui) ; seul le chamorro et d’ailleurs aussi l’espagnol semblent disparaître inexorablement à Guam face à l’anglais. Enfin, les hommes ont conservé leurs terres qui concrétisent le sentiment identitaire même s’il y a eu redistribution de la propriété. Ces évolutions, résultant d’un processus dynamique d’acculturation, ont eu lieu quel qu’ait été l’aboutissement politique de l’histoire coloniale : État indépendant, territoire autonome, dépendance. L’Océanie apparaît somme toute largement décolonisée. Tous les États insulaires d’Océanie intertropicale ont signé la déclaration de l’O.N.U sur les droits des peuples autochtones en 2007. La situation des Américains d’origine polynésienne d’Hawaï, des Maoris de Nouvelle-Zélande et des Aborigènes d’Australie est particulière puisqu’ils sont minoritaires en tant que premiers habitants dans leurs pays (ces trois zones ont été des régions de peuplement occidental). Les citoyens américains d’origine polynésienne dilués dans une population dépassant le million d’habitants risquent de disparaître en tant que communauté particulière. En Nouvelle-Zélande, la situation des Maoris n’a plus rien à voir avec celle des années 1930 (symboliquement, après la Seconde Guerre mondiale, le terme de « maori » remplace celui de « native ») mais cette communauté accuse toujours un retard socio-économique. Représentant 10 % de la population avec un accroissement naturel supérieur à celui des Blancs, les revendications des Maoris iront vraisemblablement en augmentant (la communauté maorie est en plus renforcée par l’immigration océanienne). La situation la plus problématique reste celle des 500 000 Aborigènes d’Australie inclus dans une population totale de 25 millions d’habitants. Les années 1950 ont vu la fin des discriminations officielles, les années 1960 l’accès à la citoyenneté australienne, les années 1970 la reconnaissance de droits fonciers. Mais le retard socio-économique reste immense et les pathologies sociales des Aborigènes (alcoolisme, suicides, violences) révèlent qu’ils ne se sont pas encore entièrement réappropriés leur histoire. Un problème, mal évalué il y a encore une génération, fait peser une nouvelle menace sur les populations des atolls micronésiens et polynésiens : c’est la lente montée du niveau des océans qui risque de les condamner à un exil définitif. Le début du XXIe siècle voit les premiers réfugiés climatiques originaires de l’Océan Pacifique : des habitants de Kiribati ont été déplacés à Fidji et aux îles Salomon ; de nombreux habitants de Nauru et de Niue (des îles uniques n’appartenant pas à un archipel) prévoient de s’installer définitivement en Australie et en Nouvelle-Zélande. L’entrée en vigueur du protocole de Kyoto en 2005 destiné à limiter l’émission de gaz à effet de serre souligne cet état de fait. Les problèmes environnementaux ajoutés aux écarts de développement économique entre États vont peut-être aboutir à un renouveau massif des migrations (par avion cette fois) des Océaniens dans le Pacifique. Plus généralement, les États océaniens souffrent aussi de la dégradation des récifs coralliens, de la diminution des stocks de pêche, de la dégradation des sols, de la déforestation, de l’envahissement des déchets… La violence la plus extrême est aujourd’hui absente d’Océanie à l’exception notoire du conflit de Bougainville qui a fait près de 20 000 morts ; il est d’ailleurs possible qu’un nouvel État ou territoire océanien apparaisse puisque suite à l’accord de paix de 1997, un gouvernement autonome a été mis en place en 2005 à Bougainville et prévoit la tenue d’un référendum. Mais la violence rôde en périphérie : Célèbes, Moluques, Mindanao, Timor oriental (dont le processus d’indépendance s’est étalé entre 1999 et 2002)… Et il reste difficile de savoir ce qui se passe dans l’Ouest de la Nouvelle-Guinée indonésienne ; cette région a été successivement appelée, par les colonisateurs néerlandais puis indonésiens, Nouvelle-Guinée occidentale, Nouvelle-Guinée hollandaise, Irian Jaya et Irian Barat (depuis 2003, dans le but de rationnaliser l’exploitation 87

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