Une histoire de l'Océanie

On assiste dans les zones rurales de la P.N.G à un renouveau des conflits claniques, la circulation est menacée par les « coupeurs de route » et la capitale Port Moresby est en proie à l’insécurité causée par des bandes de jeunes hommes sans travail ni repères (rascals). Tonga et les Samoa occidentales sont étouffés par le conservatisme des autorités traditionnelles qui détiennent le pouvoir politique. Les habitants de l’île de Guam, victimes du tourisme intrusif et d’un modèle culturel importé, montrent les signes d’un profond malaise identitaire. Le fait culturel est fondamental en Océanie car il permet de se réapproprier l’histoire et apparaît comme une autre forme de lutte politique pour recouvrir une souveraineté revendiquée. Les cultures océaniennes, bien que longtemps brimées par les missions chrétiennes et les administrations coloniales, sont toujours demeurée vivaces. Mais dans les années 1970, elles ont pris une dimension politique. L’affirmation identitaire est liée aux revendications foncières et à la volonté de reconnaissance politique en Océanie. La culture est aussi l’occasion de montrer un dynamisme que l’on ne retrouve pas dans la vie économique et sociale. En 1975 en Nouvelle-Zélande, le maori devient langue officielle à côté de l’anglais, les toponymes préeuropéens sont réhabilités et de nombreuses terres sont restituées aux premiers habitants. En 1976 en Australie, 30 % de la superficie des Territoires du Nord sont rétrocédés aux communautés aborigènes qui détiennent aussi des droits fonciers importants dans l’intérieur désertique du pays. Les années 1980 ont été celles du socialisme mélanésien. Cette idéologie rejette la domination occidentale, prône une sorte de fédération entre la P.N.G et les pays de l’arc mélanésien et veut concilier le socialisme et la coutume*. Le Vanuatu, les Salomon et la P.N.G (rejoints plus tard par Fidji et une représentation du F.L.N.K.S) ont créé le groupe du Fer de Lance pour porter cette vision politique et culturelle (initiée par Walter Lini). Ainsi, les années 1980 sont mouvementées : instabilité politique au Vanuatu, coup d’État à Fidji, violences en Nouvelle-Calédonie, insurrection à Bougainville…Mais miné par l’instabilité politique, la faiblesse économique et le succès relatif des accords de paix en Nouvelle-Calédonie, le groupe du Fer de Lance est aujourd’hui peu actif. En Micronésie et en Polynésie, les revendications politico-culturelles empruntent des formes plus pacifiques. Deux événements se révèlent particulièrement significatifs. • À partir de 1972, les Festivals des Arts du Pacifique vont traduire une identité commune aux différents peuples d’Océanie, renforcer les solidarités régionales et soutenir les revendications politiques. • En 1976, a lieu le premier voyage de la grande pirogue double Hokulea (pahi) entre Hawaï et Tahiti. Cette traversée fait revivre les périples maritimes des anciens navigateurs océaniens et rappelle l’organisation en réseau des sociétés insulaires. Des symboles culturels forts rendent visible aux Occidentaux cette identité océanienne qui continue d’évoluer : les peintures aborigènes, les masques papous, les flèches faîtières kanakes (revisitées par Renzo Piano à Nouméa), les tiki*, tatouages et danses polynésiens… Les compétitions sportives de surf et de va’a* mais aussi de rugby et de cricket participent aussi à cette « visibilité » de l’Océanie. Le maillage du Pacifique par le câble sous-marin en fibre optique et l’utilisation croissante d’Internet en Océanie participent à cette évolution. Cet élan culturel est inséparable d’un « désenchantement » océanien. Quels que soit l’attachement à la coutume, à la terre natale, aux traditions, au mode de vie insulaire, on observe aussi une fascination pour le mode de consommation occidental et une confusion des repères se traduisant par des déséquilibres collectifs. Nauru et son record mondial de l’obésité serait le reflet caricatural de cette situation : trop d’alcool, de nourriture et d’automobiles. Les Océaniens migrent de plus en plus et parfois sans perspective de retour. Les flux migratoires des jeunes insulaires de Fidji, des Cook, de Tonga, de l’archipel des Samoa vers les grands États anglo-saxons sont très importants ; il y a par exemple plus de Samoans orientaux aux États-Unis qu’aux Samoa américaines. Il y a de cela presque deux siècles, Dumont d’Urville, de retour à Tahiti, avait déjà noté ce « désenchantement » des Polynésiens consécutif à l’arrivée des Occidentaux. 85

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