Une histoire de l'Océanie

L’histoire du peuplement de la Terre est extrêmement complexe. Aux confins de l’Océanie, les migrations des ancêtres des Aborigènes et des Papous ne furent pas les premières. Les ancêtres des Négritos* les ont précédés et ont peuplé entre -70 000 et -50 000 une partie de la Nouvelle-Guinée et les territoires actuels de la Malaisie, de l’Indonésie et des Philippines formant à l’époque une terre unique, le « Sunda ». Le premier peuplement de l’espace océanien alors désert fut celui des ancêtres des Aborigènes. Venant de l’Asie du Sud-Est et traversant les bras de mer sur des radeaux, ils peuplèrent la Nouvelle-Guinée, l’Australie et la Tasmanie (alors toutes trois rattachées en un seul continent) de -45 000 à -40 000. Ils occupèrent la totalité de l’Australie rapidement, en cinq millénaires, mais se fixèrent davantage le long des littoraux. Ils vinrent en plusieurs vagues ce qui explique les différences ethniques et culturelles. Ils demeurèrent des chasseurs-cueilleurs nomades et firent circuler à travers le continent des perles, du corail, de l’obsidienne. Leurs rites permettaient de perpétuer le monde créé par les ancêtres ; chaque individu avait un rapport onirique avec un lieu particulier, ce qui donnait à chaque paysage une dimension religieuse (leTemps du rêve). Les guerres n’étaient pas fréquentes et souvent remplacées par des cérémonies d’envoûtement redoutées ou de grands rassemblements contradictoires (corroboree). Le second peuplement fut celui des ancêtres des Papous.Venus aussi d’Asie du Sud-Est, dans la même période chronologique que les Aborigènes mais après eux, ils peuplèrent la Nouvelle-Guinée et les îles Bismarck. Ils ne se dirigèrent pas vers l’Australie quand elle était encore unie à la Nouvelle-Guinée pas plus qu’ils ne franchirent le détroit maritime les séparant de l’Australie après -10 000. En Nouvelle-Guinée, ils assimilèrent certainement les Aborigènes restés sur place et entretinrent toujours quelques contacts avec l’Australie par l’intermédiaire des populations métissées des îles du détroit de Torrès. Les premières traces de la culture du taro (horticulture*) apparaissent vers -9000, celles de l’élevage du porc et de la présence du chien sont plus tardives ; l’introduction de ces animaux correspond vraisemblablement à l’arrivée dans la région des Austronésiens mais il reste possible qu’elle lui soit antérieure. Les Papous devinrent pratiquement tous des horticulteurs-chasseurs sédentaires. Ils s’établirent préférentiellement sur les hautes terres aux sols fertiles et qui n’étaient pas impaludées à la différence des régions côtières bordées par les mangroves. Tous les peuples de Nouvelle-Guinée se montrèrent belliqueux. Il ne faut pas se représenter le peuplement de la Terre comme une succession d’expéditions menées au loin par les hommes. En réalité, génération après génération, de proche en proche, les hommes ont progressivement élargi leur œkoumène*. La cause principale a été la pression du nombre sur le milieu : en effet, les populations de chasseurs-cueilleurs pourtant peu nombreuses nécessitaient des territoires très vastes. Le peuplement des archipels du Pacifique par les Austronésiens (que l’on va aborder maintenant) a obéi aux mêmes contraintes démographiques. Mais les modalités de l’exploration maritime diffèrent de la progression des hommes sur la terre ferme. Les Austronésiens décidèrent ponctuellement de se risquer sur l’océan sans certitude d’atteindre une terre lointaine ni de pouvoir revenir au point de départ. On ne peut qu’imaginer toutes ces destinées de navigateurs (ces odyssées) effacées par le temps. Le troisième peuplement fut celui des Austronésiens, un terme qui désigne les ancêtres communs des habitants actuels de tous les archipels de l’Océanie intertropicale et des Malais des Philippines et d’Indonésie. Navigateurs, les Austronésiens partirent de Taïwan et des Philippines et peuplèrent entre -3000 et le début de notre ère le Pacifique Nord-Ouest, c'est-à-dire les Mariannes, les Carolines, les Marshall et les Gilbert. Nous appelons aujourd’hui cet espace la Micronésie. D’autres groupes austronésiens s’installèrent dans le même temps dans les îles indonésiennes. On ne peut s’empêcher de se poser une question : pourquoi les Austronésiens, à partir des îles indo- nésiennes, n’ont-ils pas atteint la proche Australie ? La question est sans doute mal posée. Des petits groupes austronésiens ont vraisemblablement débarqué (avec leurs chiens) sur les côtes nord de l’Australie mais ont été absorbés par les populations aborigènes présentes, ne laissant aucune trace de leur passage, si ce n’est leurs chiens retournés à l’état sauvage, les dingos, que les Aborigènes domestiquèrent parfois. 21

RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw