Une histoire de l'Océanie

De -1500 à -900, des Austronésiens de nouveau, quittant les archipels philippin et indonésien bordant l’Asie, peuplèrent le Pacifique occidental (les côtes orientales de la Nouvelle-Guinée, les îles Bismarck, les Salomon, leVanuatu, la Nouvelle-Calédonie) et le Pacifique central (les Fidji, les Tonga, Wallis, Futuna, les Samoa). Jusqu’à nos jours, il y a de nombreux groupes austronésiens sur les côtes de Nouvelle-Guinée alors que les hautes terres de la grande île sont exclusivement papoues. Certains groupes austronésiens se métissèrent plus ou moins, génétiquement et culturellement, avec les Papous lors de leurs migrations. C’est ce qui explique en partie les différences ethniques et culturelles entre les habitants actuels des archipels océaniens. Rappelons que les Austronésiens formaient à l’origine de très petits groupes diversifiés qui ont transmis leurs gènes à des populations entières devenues au fil du temps beaucoup plus nombreuses. L’expansion de la poterie Lapita (du nom du site éponyme en Nouvelle-Calédonie découvert par Gifford en 1956) témoigne de l’expansion des Austronésiens dans le Pacifique occidental et central. Mais entre -500 et +500, la poterie Lapita disparaît progressivement du Pacifique central montrant un affaiblissement des liens avec le Pacifique occidental et la formation d’une nouvelle culture dans les archipels des Fidji, des Samoa et des Tonga (marquée notamment par l’apparition d’herminettes* en basalte, de harpons en os et d’hameçons en coquillage, du tapa* battu et de la fosse à uru*). Les habitants du Pacifique Nord-Ouest correspondent aux actuels Micronésiens. Ceux du Pacifique occidental correspondent aux actuels Mélanésiens. Ceux du Pacifique central (à l’exception des Fidjiens) correspondent aux actuels Polynésiens. La poterie réapparaîtra vers 1000 aux Fidji, ce qui témoigne de migrations mélanésiennes tardives vers ces îles. Ces dernières migrations mélanésiennes vers l’est (provenant vraisemblablement duVanuatu) précèdent d’un siècle les migrations de retour des outliers polynésiens vers l’ouest : on trouve aujourd’hui des éléments culturels polynésiens éparpillés dans toute la Mélanésie, par exemple à Tikopia aux îles Salomon, à Ouvéa aux îles Loyauté. Notons aussi que des Mélanésiens et des Polynésiens ont migré à différentes dates vers les archipels de Micronésie du Sud (les populations de Belau et Nauru sont par exemple très mélangées). Cette division de l’espace austronésien (ou malayo-polynésien) évoque bien entendu la distinction faite par Dumont d’Urville en 1830 entre la Malaisie, la Mélanésie, la Polynésie et la Micronésie selon les caractéristiques ethniques de leurs habitants. Cette division repose sur des imprécisions. Il y a bien des sous-familles linguistiques malaises, mélanésiennes, polynésiennes, micronésiennes. En revanche, il faut concevoir ces différents peuples descendant d’ancêtres communs comme n’étant pas séparés mais au contraire comme faisant partie d’un long continuum génétique et culturel. Dans ce continuum, les différences sont souvent peu marquées entre îles voisines même si elles sont plus accusées entre îles lointaines. Fidji est un espace charnière par excellence puisque, au sein de cet archipel mélanésien, les influences polynésiennes sont très importantes dans l’île orientale de Vanua Levu proche de Tonga et rivale de l’île occidentale de Viti Levu. Un fait contribue encore à la confusion : le métissage général des Polynésiens aujourd’hui tend à faire oublier leur proximité avec les Mélanésiens. Enfin, la terminologie anglo-saxonne prête à confusion : le terme « melanesian » désigne à la fois les peuples à peau noire de Nouvelle-Guinée et des archipels mélanésiens alors que les historiens francophones distinguent sur des critères linguistiques les Papous des Mélanésiens. De 500 à 900, les Polynésiens du Pacifique central reprirent leurs migrations vers l’est et atteignirent la Pacifique oriental à savoir les Cook, la Société (Îles Sous-le-Vent et Îles du Vent), les Tuamotu, les Australes et les Marquises. Dans cette période, des Polynésiens poursuivant plus loin leurs explorations vers l’est parvinrent vraisemblablement en Amérique du Sud dont ils purent revenir avec la patate douce au nom amérindien de kumara. (Notons que la patate douce voyagea ensuite d’île en île et d’est en ouest puisque les Européens constatèrent au XVIe siècle la présence de ce tubercule non indigène en Nouvelle-Guinée ; rappelons par contre que ce sont les Européens qui introduisirent le manioc en Océanie). Vers 1000, des Marquisiens atteignirent vers le nord Hawaï (en passant par les îles de la Ligne comme l’atteste l’archéologie) et vers le sud-est les Gambier, les Pitcairn (abandonnées plus tard semble-t-il au XVe siècle) 22

RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw