Une histoire de l'Océanie

et l’Île de Pâques. (L’Amérique du Sud a donc été atteinte avant 1000 car les Polynésiens partis vers Hawaï et l’Île de Pâques ont emporté avec eux la patate douce qui avait eu ainsi le temps de se répandre). Enfin, vers 1350, des navigateurs de Raiatea et Tahiti atteignirent (en passant par les îles Kermadec) la NouvelleZélande ; les deux grandes îles auparavant vides furent rapidement peuplées mais les Polynésiens durent s’adapter à un climat plus froid (la patate douce remplaça complètement le taro et le lin tissé remplaça le tapa battu). L’île du nord était plus peuplée que celle du sud. Les Maoris au nord étaient sédentaires, vivaient dans des villages fortifiés (pä) rassemblant une subdivision tribale (hapu). Dans l’île du sud, les populations étaient restées semi-nomades et vivaient davantage de la chasse (extermination des moa*). Il n’y avait ni groupes hégémoniques ni sentiment d’appartenance à une communauté unique. Un des archipels le plus anciennement peuplé, Tonga, s’est distingué des autres archipels polynésiens par une évolution politique précoce. Dès le Xe siècle, une chefferie héréditaire s’est constituée à Tonga (le Tu’i tonga de Tongatapu). Elle a imposé son hégémonie à l’ensemble de l’archipel si bien qu’on peut parler de royauté. À son apogée au XVe siècle, Tonga exerçait sa domination sur l’archipel fidjien de Lau et sur Wallis (mais pas sur les Samoa et Futuna) et influença fortement le développement politique de l’île fidjienne de Vanua Levu (des traditions orales ont conservé la mémoire de cette dynastie, mémoire évidemment remaniée selon des intérêts politiques postérieurs). Les dates de peuplement sont pour des raisons évidentes difficiles à préciser : incertitudes archéologiques, traditions orales non datées. Les faits et dates indiqués sont ceux établis dans l’état actuel des recherches ; les dates, notamment, évoluent. Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces voyages successifs. En l’espace de 4000 ans, les descendants des Austronésiens originaires des archipels bordant l’Asie continentale peuplèrent l’ensemble des archipels du Pacifique intertropical. Les voyages se firent principalement d’ouest vers l’est. Ces migrations étaient motivées par la pression démographique sur des espaces restreints. C’est pourquoi les Mélanésiens, installés sur de grandes îles fertiles, interrompirent leurs migrations à la différence des Polynésiens qui poursuivirent leur progression vers l’est pour des raisons inverses. Les expéditions sur grande pirogue double étaient soigneusement préparées et ménageaient une possibilité de retour. Ces navigateurs avaient une grande connaissance du ciel (« boussole » diurne du soleil, « compas » nocturne des étoiles) et des océans (vents, courants, réfraction de la houle, nuages insulaires, débris végétaux flottants, vol des oiseaux, alignement dominant des archipels). Les voyageurs emmenaient avec eux les plantes indispensables originaires d’Asie du Sud-Est, d’Insulinde et de Nouvelle-Guinée qu’ils acclimataient dans les terres découvertes (taro, igname, banane, noix de coco, uru, mape, canne à sucre, kava…) ; ils emportèrent aussi des porcs, des chiens, des rats et des poulets pour leur part lointainement originaires d’Asie (notons que pour des raisons inconnues le cochon ne fut pas introduit en Nouvelle-Calédonie). Les Océaniens entretenaient des contacts réguliers avec les archipels proches ; en revanche les relations cessaient immédiatement ou progressivement avec les archipels lointains : par exemple, les Hawaïens ne revirent jamais les Marquises. La mémoire polynésienne s’enracine inconsciemment dans une durée millénaire ainsi que le révèle de façon fascinante la toponymie. Venus de l’ouest, les Polynésiens maintenaient le souvenir de ce qu’ils considéraient comme leurs terres originelles en attribuant symboliquement des noms particuliers à certaines îles. Ces noms sacrés sont Savai’i et Upolu aux Samoa ; noms qu’on retrouve aux îles de la Société où Havai’i désignait Raiatea et Uporu désignait Tahaa. Ces îles abritent les marae* consacrés aux dieux les plus importants et correspondent au pays du retour des esprits des morts. Dans les croyances anciennes, les esprits migraient toujours vers l’ouest, c'est-à-dire vers la terre d’origine. Au fil des voyages, les Polynésiens ont progressivement oublié les étapes les plus anciennes de leurs migrations mais le souvenir d’une dispersion à partir d’un archipel situé à l’ouest est toujours resté. D’ailleurs, afin d’entretenir un lien avec une terre que l’on quittait, les Polynésiens emportaient des pierres d’un marae qui seraient les premières pierres d’un marae à venir. Avec le temps et l’éloignement, les peuples et les cultures d’Océanie se sont différenciés. 23

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