Une histoire de l'Océanie

Hormis un contact vraisemblable entre Polynésiens et Amérindiens avant l’an mille, il n’y a pas eu de contact significatif entre l’Océanie et le monde extérieur avant l’irruption des Espagnols au XVIe siècle. Des marins malais des Célèbes relâchaient sur les côtes du nord de l’Australie mais repartaient dès leurs campagnes de pêche terminées. On a bien retrouvé aussi des tessons de céramique chinoise du XVe sur la côte nord de l’Australie, mais les quelques contacts exceptionnels avec des navigateurs chinois sont restés sans conséquence. Et même les contacts entre Papous et Malais des Moluques furent limités. Suite aux voyages de Christophe Colomb pour l’Espagne et de Vasco de Gama pour le Portugal, le traité de Tordesillas de 1494 partage de fait l’Amérique entre les Espagnols et les Portugais (qui en recevront la pointe orientale constituant le futur Brésil). En revanche, la limite de l’autre coté de la Terre (dont la rotondité est admise depuis le XVe) reste floue. En tout cas, les Portugais tiennent la route des Indes et s’établissent vers 1511 en Insulinde (Sumatra, îles de la Sonde, Timor, Célèbes, Moluques). Ils découvriront les Carolines en 1527 sans s’y installer et fonderont un comptoir au Japon à Nagasaki en 1549 et un autre en Chine à Macao en 1554. Il reste aux Espagnols à trouver une autre voie maritime vers l’Asie : ce sera l’objectif du voyage de Magellan. Les Espagnols veulent découvrir de nouvelles richesses et répandre la foi catholique (les Musulmans ont été définitivement battus en Espagne en 1492). En I513, au Panama actuel, Balboa découvre le Pacifique. En 1519, l’expédition de Magellan prend le large pour terminer la mission de Colomb (trouver la voie de l’Ouest) et déterminer le prolongement de la ligne de séparation de l’autre côté de la terre (établir la frontière avec l’espace portugais). Le voyage qui s’effectue dans des conditions éprouvantes dure de 1519 à 1522 et Magellan meurt lors d’un combat dans l’île de Mactan (à côté de l’île de Cebu) en 1521 ; c’est Caño qui termine le voyage avec le seul navire restant sur les cinq du départ mais rempli d’épices (pour l’ensemble de l’expédition de Magellan, on peut donc parler d’une première circumnavigation*). Le journal de bord de Pigafetta permet d’en reconstituer les événements. Cette expédition marquée par la peur de l’inconnu, des mutineries, la famine, les tempêtes au sud de l’Amérique puis les calmes plats dans le Pacifique est décisive (l’océan Pacifique tire son nom de ces calmes plats de part et d’autre de l’équateur). Les Espagnols traversent un nouvel océan, trouvent la route maritime des alizés du sud-est pour le traverser d’est en ouest. Ils longent Fakahina (Tuamotu) sans pouvoir y accoster, découvrent Guam et y rencontrent un nouveau peuple – micronésien – qu’ils appelleront les Chamorros. Magellan se ravitaille en eau et en produits frais après que les insulaires, arrivés sur des pirogues, se sont emparés d'objets en métal, de pièces de toile, de cordages, de seaux de bois... Les Espagnols arrivent enfin aux Philippines. Aux Philippines, en plus des Malais, ils retrouvent des peuples connus : les Chinois et les Musulmans. Si les latitudes* sont bien calculées (avec l’astrolabe précédant le sextant), les longitudes* restent indicatives (faute du chronomètre de marine inventé en Angleterre dans la seconde moitié du XVIIIe siècle). Les Espagnols ont cependant appris que la circonférence de laTerre était plus grande que ne le laissaient croire les conceptions de l’époque. En tout cas, ce voyage se traduit politiquement par le traité de Saragosse de 1529 délimitant l’espace portugais et l’espace espagnol au moyen d’une ligne passant à l’Est des Moluques portugaises, dernier archipel avant la Nouvelle-Guinée (découverte par le Portugais Antonio de Abreu en 1511 et abordée par de Meneses en 1526). Les portulans de l’époque, des cartes se limitant principalement à la description des côtes et des ports, commencent à rendre compte de ces informations nouvelles. Il n’est pas inintéressant pour mieux comprendre les contraintes de la navigation maritime de l’époque de s’attarder sur le sort de chacun des cinq navires de la flotte de Magellan. Seule la Victoria revient à bon port en 1522. Dès 1520, le Santiago fait naufrage le long de l’Amérique du Sud et le San Antonio déserte l’expédition avant de s’engager dans le Pacifique pour regagner l’Espagne. En 1521, la Concepción est abandonnée aux Philippines du fait de son mauvais état et du manque de marins et la Trinidad est arraisonnée aux Moluques par les Portugais après la tentative vaine de ses marins de rejoindre l’Amérique en traversant le Pacifique d’ouest en est. Ironie de l’histoire dans un océan semé d’îles, Magellan a traversé le Pacifique du sud-est au nord-ouest en suivant une route qui ne lui a fait rencontrer pratiquement aucune île avant Guam. 29

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