Une histoire de l'Océanie

Il reste aux Espagnols à trouver la route du retour vers l’Amérique. En 1526, Saavedra atteint les Philippines par la route des alizés du nord-est en partant d’Acapulco (Mexique). Le voyage dans l’autre sens reste compliqué jusqu’à ce que Urdaneta en 1565 trouve la route des vents d’ouest pour rallier Acapulco en partant de Manille. Au cours de ces explorations, les Marshall sont découvertes en 1529 et les Carolines abordées en 1543. Dès lors, le Pacifique espagnol se met en place au milieu du XVIe siècle. Les Espagnols achèvent la conquête des Philippines où ils fondent Manille, poursuivent la conquête des Mariannes (« Las islas de los Ladrones » = Les îles desVoleurs) dont ils déportent une partie des habitants à Guam ; ils imposent à la région la langue espagnole et la religion catholique (les Franciscains sont très actifs dans l’outre-mer espagnol ; les Jésuites dont l’ordre est créé en 1540 prennent aussi pied aux Philippines, en Chine et au Japon). Guam et les Mariannes sont pacifiés à la fin du XVIe siècle mais la population des Mariannes a pratiquement disparu et cet archipel sera repeuplé à partir des archipels voisins. Il est aussi possible qu’un contact ait pu avoir lieu entre les insulaires des îles Hawaï (à l’écart des routes maritimes de l’époque) et des naufragés ou des déserteurs espagnols. Surtout, les Espagnols organisent la « Route des Galions » (qui durera de 1565 à 1811) : chaque année, le « Galion de l’argent » partant d’Acapulco mettait deux mois pour atteindre les Philippines puis le « Galion de la soie » (transportant aussi des épices, des porcelaines, des pierres précieuses) partant de Manille en mettait cinq pour rejoindre le Mexique. Les Espagnols du Pérou se sentent lésés par le monopole du Galion attribué au Mexique. À partir du port de Callao, ils vont organiser des expéditions dans le Pacifique Sud (Mare del Sur). Les motivations restent identiques : étendre le catholicisme et trouver des gisements d’or (ceux-ci ont pu être confusément identifiés à des lieux mentionnés dans la Bible et recelant des richesses supposées à moins que les explorateurs se soient servis de cette fable pour masquer des objectifs personnels). En tout cas, entre 1567 et 1569, Mendaña traverse la Polynésie orientale et centrale, explore les îles Salomon (un nom à référence biblique) et rejoint le Mexique par la route des vents d’ouest tracée par Urdaneta. Entre 1595 et 1596, Mendaña et Quirós découvrent les Marquises (ce premier contact, non exempt de curiosité, est brutal et marqué par une peur réciproque), traversent la Polynésie centrale, cinglent vers les Carolines et rejoignent les Philippines. En 1606, Quirós et Torrès explorent les Tuamotu, traversent la Polynésie centrale, explorent le Vanuatu où l’expédition se scinde en deux parties : Quirós rejoint le Mexique par la route d’Urdaneta pendant que le Portugais Torrès rallie les Philippines ; en chemin, il découvre le détroit (séparant la Nouvelle-Guinée de l’Australie) qui portera son nom et confirme l’insularité de la Nouvelle-Guinée (pour information, les couronnes d’Espagne et du Portugal furent réunies entre 1580 et 1640). Les contacts entre les Espagnols et les Mélanésiens des Salomon et duVanuatu suivirent toujours le même modèle ; après un premier contact amical où la curiosité l’emportait, les relations devenaient conflictuelles car les Espagnols étaient rebutés par les mœurs des insulaires et exigeaient trop de cochons, source de prestige chez les Mélanésiens ; de leur côté, les Mélanésiens ne comprenaient pas qui étaient ces hommes et pourquoi ils ne cédaient pas davantage les richesses de leurs navires. Les Espagnols établirent aussi précocement une hiérarchie entre Polynésiens et Mélanésiens jugés inférieurs. Toutes ces îles se révélèrent décevantes pour les Espagnols qui, de leur point de vue, ne virent que pauvreté, insalubrité, sauvagerie et anthropophagie. Ils n’y reviendront plus. Les Mélanésiens ne verront plus d’Européens avant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Jusqu’au début du XVIIe siècle, le Pacifique est resté un « lac espagnol » avec les possessions américaines à l’est et les possessions des Philippines et de leurs dépendances à l’ouest mais les temps changent (pour mémoire, les Carolines et les Marshall seront pacifiées à la fin du XVIIe siècle et les Palaos annexées au début du XVIIIe siècle). Les guerres de religion entre catholiques et protestants en Europe ont des répercussions dans le Pacifique. Les Anglais et les Hollandais protestants ne reconnaissent pas le traité de Saragosse de 1529. Entre 1577 et 1579, l’Anglais Drake pénètre dans l’océan Pacifique par le détroit de Magellan, pille Acapulco, s’empare du « Galion de Manille », longe la Californie, renonce à parcourir dans le sens inverse le fameux « passage du Nord-Ouest » américain, gagne les Moluques et rejoint l’Angleterre (2e circumnavigation après celle de l’expédition de Magellan) ; 9 ans plus tard en 1588, Drake battra l’« Invincible Armada » 30

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