Une histoire de l'Océanie

À partir de la fin du XVIIIe siècle, l’océan Pacifique n’est plus une zone d’exploration mais devient un espace d’échanges de marchandises et de circulation des idées. Les baleiniers sont les premiers à apparaître. Le premier baleinier identifié dans le Pacifique est l’Amelia, un navire américain, en 1789. Les baleiniers ont un impact énorme en Océanie. Au milieu du XIXe siècle, près de 10 000 marins, soit près de 300 navires, sillonnent en permanence le Pacifique pendant des campagnes de pêche de trois ans pour s’approvisionner en dents, fanons, huile… Les navires relâchent principalement en Nouvelle-Zélande, à Hawaï, aux Marquises (comme l’a raconté l’écrivain Melville qui a, lui-même, été matelot). Les contacts entre les Polynésiens et les explorateurs européens avaient été de courte durée et peu fréquents au XVIIIe siècle. Avec les rudes équipages des baleiniers, les contacts se multiplient et deviennent réguliers. Le monde des Polynésiens va se transformer rapidement. De nombreux hommes embarquent sur les navires, les femmes ont des enfants avec des marins qui s’assimilent aux sociétés insulaires. L’alcoolisme et les maladies nouvelles se répandent (syphilis, tuberculose, rougeole…). Les outils de métal, les armes à feu, les cotonnades deviennent des produits courants. Les hiérarchies traditionnelles sont bouleversées comme nous allons le voir ensuite. Dans le même temps, des flux commerciaux se mettent en place à destination des marchés chinois, russe, australien, américain : peaux de loutre et de phoque, bois de santal*, holothurie*, viande de porc, huile de coprah*, farine de manioc. À partir de la fin du XVIIIe siècle, l’Océanie devient aussi un espace d’évangélisation, d’abord pour les protestants, ensuite pour les catholiques. Les Espagnols avaient déjà christianisé l’Amérique, les Philippines, Guam, les Mariannes et les Carolines (les Portugais avaient introduit le catholicisme à Timor tandis que de leur côté les Hollandais ne cherchèrent pas à répandre le protestantisme dans la totalité des Indes orientales). Mais le reste de l’Océanie n’avait pas encore rencontré les missionnaires. En 1795, la London Missionary Society (L.M.S) est fondée. Dans le cadre d’un revival religieux en GrandeBretagne, elle réunit des anglicans, des presbytériens, des congrégationalistes, des méthodistes et a pour but d’évangéliser l’Océanie et la Chine. En 1812, l’A.B.C.F.M (American Board of Commissioners for Foreign Missions), une organisation puritaine similaire, est fondée aux États-Unis. En 1813, la Wesleyan Missionary Society (méthodiste) arrive en Australie. Rappelons que le revival est un mouvement social de renouvellement religieux visant à réveiller la foi protestante ; ce mouvement débouche sur un regain de vie religieuse dans les pays anglo-saxons et sur des campagnes d’évangélisation, en Océanie notamment. En 1797, le Duff de la L.M.S débarque à Tahiti une trentaine de missionnaires (certains repartiront aux Tonga ; d’autres débarqués plus tard aux Marquises échoueront et quitteront cet archipel). Ils viennent pour s’implanter définitivement à la différence des autres Européens qui les ont précédés et étaient de passage. Malgré de nombreux aléas, cette installation entraînera rapidement une profonde acculturation* de l’île : construction de temples, traduction de la Bible, introduction de nouvelles plantes, regroupement des habitants…Comme nous le verrons ensuite, l’évangélisation sera aussi à l’origine de mouvements syncrétistes contestataires à Tahiti au XIXe siècle (la Mamaia entre 1826 et 1838 sous Pomare IV Vahine). La L.M.S est aussi présente dès les premières années du XIXe siècle à Hawaï (où les protestants obtiennent provisoirement l’interdiction des missions catholiques) ; la L.M.S enfin s’installe en Mélanésie aux Fidji, puis à Maré et Lifou au début des années 1840 (îles Loyauté, Nouvelle-Calédonie). L’A.B.C.F.M de son côté, déjà présente à Hawaï, évangélise au XIXe siècle les Marshall en Micronésie. Séparément, l’Église anglicane obtient des succès auprès des Maoris en Nouvelle-Zélande où le christianisme progresse à partir de 1830 car il apporte, dans un même mouvement, les marchandises occidentales, un espoir face aux épidémies, des solutions aux ravages des combats et de l’alcoolisme. Le protestantisme gagne progressivement les Samoa, les îles Cook, les Îles Sous-le-Vent, les Australes (les mormons apparaîtront dans la seconde moitié du XIXe siècle, les adventistes après la Première Guerre mondiale). Les catholiques suivent les protestants en Océanie. Présents en Australie dès le début de la colonisation (de nombreux convicts* étaient Irlandais), ils arrivent massivement dans les années 1830 (à une époque où l’influence des jésuites et des franciscains se limitait aux terres espagnoles). 45

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