Une histoire de l'Océanie

Les territoires de mission sont répartis par la papauté entre les congrégations : le Pacifique oriental aux picpuciens (congrégation des Sacrés-Cœurs de Picpus), le Pacifique central et occidental aux frères maristes. Les picpuciens s’installent aux Gambier (Caret et Laval) en 1833 et aux Marquises en 1838. Dès 1836, les maristes s’installent en Nouvelle-Zélande, à Wallis et à Futuna. Le catholicisme subit à Tahiti dans les années 1830 des aléas liés à la politique comme nous le verrons ensuite ; il peine aussi à s’introduire en GrandeTerre en Nouvelle-Calédonie dans les années 1840 malgré l’action énergique des maristes (Rougeyron). Dans les petites îles de Wallis et des Gambier, les missionnaires catholiques ont cherché à constituer, sur l’exemple ancien des « réductions » jésuites d’Amérique latine, de petites théocraties autarciques où ils dirigeaient tous les aspects de la vie en collaboration étroite avec les autorités coutumières dociles. Les nombreuses églises construites en portent le témoignage. Si l’évangélisation de la Polynésie, toutes obédiences confondues, est relativement rapide au début du XIXe siècle (les teachers* polynésiens participent à son succès), en revanche celle de la Mélanésie rencontre beaucoup plus de difficultés. À la différence de la Polynésie où la conversion du chef (ari’i) et des prêtres (tahu’a) entraîne celle des sujets dans le cadre d’une société hiérarchisée, en Mélanésie les missionnaires de tous les cultes rencontrent une société où le pouvoir est moins vertical et la religion moins compréhensible. La Nouvelle-Guinée, les Salomon, leVanuatu, protégés en outre par des maladies endémiques (paludisme, dysenterie, filariose*), restent longtemps réfractaires au christianisme ; de nombreux missionnaires et teachers y perdent la vie (par exemple, le premier missionnaire britannique qui débarqua à Eromanga au Vanuatu en 1839 fut immédiatement tué). Nous reviendrons ultérieurement sur le point suivant : les missionnaires protestants et catholiques ont précédé en Océanie les militaires chargés de la colonisation ; même si les objectifs des groupes religieux et des administrations coloniales seront parfois contradictoires, objectivement les protestants et les catholiques ont facilité les implantations respectives du Royaume-Uni et de la France et en ont bénéficié. Souvent aussi, les missionnaires ont servi de médiateurs entre les Océaniens et les représentants officiels des États occidentaux. Face à l’afflux des Occidentaux dans le Pacifique, des chefs polynésiens tentèrent de résister en s’appropriant leur puissance matérielle et spirituelle. Commençons par raconter cet aspect étonnant de l’histoire de l’Océanie. À Tonga, le pouvoir du Tui Tonga sur l’ensemble de l’archipel s’était affaibli dès le XVIIe siècle, déclenchant une guerre civile au XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, la guerre alimentée par le trafic d’armes à feu était endémique rendant les îles Tonga inhospitalières. À partir des années 1820, une nouvelle lignée de chefs réussit à pacifier et réunir l’archipel. Vers 1850, George Tupou Ier, avec l’aide de missionnaires venus de Nouvelle-Zélande, rédige un code de lois et réforme le royaume (suprématie royale, abolition de l’esclavage, réforme foncière, impôt monétarisé, éducation des enfants) afin de préserver la souveraineté de Tonga face aux appétits occidentaux. Pareillement aux îles Fidji et aux îles Samoa, l’introduction des armes à feu entretient l’insécurité et bouleverse l’ordre politique ancien. Aux Samoa, les missionnaires protestants ont joué des rivalités des chefs traditionnels pour s’implanter. À Tahiti, l’histoire de la dynastie Pomare remonte au milieu du XVIIIe siècle lorsque le chef Amo et son épouse Purea (chefferie des Te Porionuu) subirent une défaite et donc perdirent du prestige face à Wallis en 1767. Le chef subalterne de Pare (actuelle Papeete), Teu Hapai, en avait profité pour s’affirmer. Son fils Tu Taina, le futur Pomare Ier (vers 1740-1803), arrive au pouvoir vers 1780. Il tire un immense prestige des relations de son père avec Cook et avait appris à connaître les Européens quelques années plus tôt au contact de Máximo Rodriguez. Surtout il tire parti à son tour de la présence de Bligh en 1788 et utilise à son profit les déserteurs armés de la Bounty pour s’imposer face à la chefferie des Teva i Uta. Pomare II (1774 / 1803-1821) poursuit la même politique. Il accueille avec son père les missionnaires de 46

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