Une histoire de l'Océanie

la L.M.S en 1797. Bien qu’il n’éprouve guère de sympathie pour le christianisme, il a l’intuition que l’appui des missionnaires lui est nécessaire pour se faire respecter des Occidentaux et que le prestige de l’écriture renforce son pouvoir sur sa population. Face à une coalition de rivaux, Pomare II se réfugie à Moorea en 1808 mais il débarque en force en 1815 à Paea avec ses alliés familiaux de Raiatea et Bora Bora et des marins équipés de fusils. C’est la bataille de Fe’i Pi. Sa victoire est éclatante et, s’il épargne les vaincus, il détruit leurs marae. En 1819, Pomare II promulgue un code de lois préparé par les missionnaires et se résout à se convertir. Progressivement la religion ancestrale disparaîtra et les marae seront abandonnés. Les offices rythment le quotidien, la nudité, les danses et la polygamie sont proscrites. Pomare II réussira durant son règne à réunir dans son royaume les Îles du Vent entières (mais pas les Îles Sous-le-Vent), les Tuamotu Nord de Mataiva à Anaa, et Tubuai et Raivavae aux Australes. En résumé, les multiples chefferies avaient été réunies en un seul royaume et la religion ancienne cédait la place au christianisme. À Hawaï, quatre chefferies s’étaient imposées au fil du temps. Parallèlement, la hiérarchie divine avait changé de façon révélatrice : le dieu Ku de la guerre supplanta le pacifique dieu Lono. À partir de 1790 et jusqu’en 1810, Kamehameha Ier, chef de la grande île méridionale d’Hawaï, réalise progressivement et souvent de manière sanglante l’unité de l’archipel. Il fait jouer le prestige lié à sa proximité des Occidentaux et utilise les armes à feu nouvellement introduites. Le roi finance la guerre en s’assurant le monopole du commerce du santal avec les différents marchands étrangers. Ses fils Kamehameha II (premier roi à briser des tapu*) et Kamehameha III lui succèdent mais se montrent moins fermes face aux chefs traditionnels et aux négociants anglo-saxons. Les missionnaires protestants arrivent sous le règne de Kamehameha II (1797/1819-1824) qui meurt pendant un voyage vers le RoyaumeUni où il se rendait pour négocier un traité d’alliance avec Londres. Sous Kamehameha III (1813/18241854) qui autorise les étrangers à posséder des terres, la L.M.S étend son influence et fait adopter par la monarchie un code de lois d’inspiration chrétienne. Des similitudes dans l’histoire de Tonga, Tahiti et Hawaï s’imposent à l’historien : • les royaumes en formation se sont renforcés, • le christianisme a été adopté par opportunisme, • des codes juridiques nouveaux ont été promus contribuant à transformer la société, • les rois ont utilisé à leur avantage des missionnaires, des mercenaires et des négociants (alors que dans la période suivante, à partir de la moitié du XIXe siècle, ce seront les colonisateurs qui manipuleront les rois). À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, les réactions océaniennes à la présence de plus en plus envahissante des Occidentaux sont très diverses et révèlent les particularités des différentes sociétés. Mais les tentatives pour échapper à la domination politique et à l’hégémonie culturelle des Occidentaux seront soit de courte durée soit sans effet. Démographiquement peu nombreux et affaiblis par les épidémies, les peuples océaniens étaient mal armés face à l’irruption des Occidentaux pourvus d’une technologie et de méthodes de gouvernement plus efficaces. Il est aussi avéré que les perturbations induites par l’arrivée des Occidentaux ont entraîné la fin des expéditions au long cours des Océaniens voire même les contacts réguliers entre archipels. L’historien peut établir des distinctions. Les Aborigènes, les Papous et les Mélanésiens des Salomon et du Vanuatu (mais pas ceux de Fidji) se sont plus ou moins repliés sur leur identité. Par contre, les Polynésiens se sont davantage ouverts à l’univers des Occidentaux (le fait que les Mélanésiens ont été victimes de préjugés racistes plus forts que les Polynésiens a aussi contribué à cette différence). Mais dans tous les cas, un profond mouvement d’acculturation a été mis en œuvre. • Les Polynésiens à Tonga, Tahiti et Hawaï ont tenté brièvement (mais vainement comme nous le verrons ensuite) de sauver leur souveraineté politique dans la cadre d’une royauté rénovée à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Dans les années 1830 à Tahiti, l’échec de la Mamaia qui mélangea le christianisme avec les anciennes croyances montrera d’une autre façon l’incapacité des Tahitiens à échapper à la domination culturelle des Blancs. En tout cas, 47

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