Une histoire de l'Océanie

ou d’Afrique, les sociétés coloniales restent des sociétés marquées par la domination et la ségrégation. Mais les situations apparaissent variables selon les colonies. En Micronésie et notamment aux Mariannes, la situation se dégrade pour les habitants même si des infrastructures sont mises en place ; en effet les autorités mènent une politique d’assimilation : apprentissage obligatoire du japonais, introduction du culte impérial… À Fidji, les Mélanésiens se satisfont de l’ordre britannique car il leur garantit la possession foncière face à la communauté indo-fidjienne dont l’importance démographique progresse. Au Samoa, les Polynésiens aspirent à retrouver leur souveraineté. Le mouvement traditionnaliste Mau revendique des relations plus égalitaires avec les Blancs. Après une manifestation réprimée par la police néo-zélandaise qui fait 11 morts en 1929, les autorités de tutelle trouvent l’année suivante un modus vivendi avec le mouvement Mau (ce n’est pas un hasard si le Samoa sera au siècle suivant le premier État d’Océanie insulaire intertropicale indépendant). À Tahiti, la formation de familles aisées demies (métissées) assouplit l’ordre colonial français. D’ailleurs, dans les terres de l’ancien royaume des Pomare, les habitants sont en théorie des citoyens et non pas des sujets. En Nouvelle-Calédonie française, la réalité est plus brutale. Les « Canaques » vivent sous le statut de l’indigénat et sont maintenus dans des réserves tribales dont les chefs sont nommés et payés par l’administration. Une société caldoche d’origine européenne et initialement rurale se forme sur la côte ouest de la Grande-Terre. Nouméa est une ville « blanche ». Selon le pasteur et ethnologue Leenhardt, le christianisme a été un levier de la refondation identitaire des Kanaks au début du XXe siècle même si les Églises avaient contribué à la destruction des croyances anciennes au siècle précédent. Aux frontières de l’Océanie, les Indes néerlandaises incluant l’Ouest de la Nouvelle-Guinée forment une colonie caractérisée par une exploitation économique particulièrement oppressive (système de cultures forcées). Un événement apparaît révélateur de la domination idéologique coloniale : l’exposition coloniale internationale de Paris en 1931 exhibe des Kanaks pourtant chrétiens et francophones comme des sauvages à demi- dénudés (de même, le crâne du chef Ataï est conservé en métropole dans un musée). On est certes loin de l’acuité d’un Gauguin, de l’intelligence d’un Malinovski ou du respect d’un Leenhardt qui, tous trois, vécurent en Océanie pendant cette période coloniale. De façon générale, les années 1920 marquent le début de la reprise démographique dans les archipels d’Océanie dépeuplés par les épidémies. Les sociétés océaniennes ont été marquées par la confrontation inégale avec les Blancs au siècle passé et par leur conversion généralisée au christianisme. Les Océaniens, en règle générale, écarteront le radicalisme et la violence et privilégieront le compromis et la négociation pour recouvrer diverses formes de souveraineté. Le développement de pidgins* en Mélanésie témoigne aussi de cette volonté d’adaptation. Certaines sociétés s’enfermeront cependant dans une vision millénariste de l’histoire et se réfugieront dans la kastom* et l’attente rêvée de l’abondance (ainsi à Tana aux Nouvelles-Hébrides - Vanuatu - avec le cargo cult* de John Frum dans les années 1940). De façon générale, si tous les territoires d’Océanie ont été exploités par les colonisateurs, seules l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Hawaï et, à un moindre degré, la Nouvelle-Calédonie sont devenues des colonies de peuplement. Dans les autres îles et archipels, les Occidentaux furent finalement peu nombreux à s’implanter définitivement. Les différences entre le statut de protectorat (maintien des autorités traditionnelles) et celui de colonie (administration directe) apparaissent souvent formelles et floues en Océanie et dissimulent des dominations similaires comme le montre par exemple l’histoire comparée de Tonga, du Samoa et des É.F.O (Établissements français d’Océanie). 65

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