theatre-et-sciences

146 Le Français : Si je vous dis plutôt « Vos discours finiront par m’assoter ». « Assoter » ? Vous allez peut-être lui préférer aujourd’hui « rendre bête ou stupide ». Pourquoi certains mots apparaissent-ils à certains moments et d’autres disparaissent-ils du Dictionnaire de l’Académie ? (sortant un papyrus qu’elle déroule, elle commence lire) : - « havir » : le trop grand feu havit la viande… (levant son regard vers le public) - (reprenant la lecture) « mésoffrir , « boursicaut », « arrêtiste », « friponneau », « indévot », « indulgencier »,… Jamais entendu ? (regardant le public) C’est normal, ils ont tous disparu… Tiens ! Celui-là va vous plaire : « gaminer » hé-hé, là, vous avez une idée… (pour- suivant avec malice) « arrête de gaminer » (se tournant vers le Tahitien qui marquait son ennui par des grimaces.) … Donc… j’évolue… (avec un air satisfait). Heureusement encore, car… (se dépouillant des éléments de sa robe…) j’étouffais dans ce costume officiel… (avec un ton grave) Je suis la langue officielle administrative et judiciaire ! La langue digne ! Le Tahitien : (depuis son fauteuil) Pas depuis toujours… Avant 1539… tu étais considérée plutôt comme langue « du vulgaire ». Le Français : Paaarrrdon ??! Le Tahitien : Bah, (il se lève et s’approche du Français) il n’y aurait pas eu une petite embrouille entre toi et le latin qui était à l’époque LA langue à l’honneur ? me trompé-je ? Le Français : D’abord, on dit que c’était une langue « vernaculaire » et non pas « du vulgaire ». Et, ce n’est pas l’objet de ma présentation. Passons ! (le Tahitien retourne s’asseoir avec un sourire satisfait.) Et ce qui est certain, c’est que l’Académie, par ses règles, me rend pure, éloquente et capable de traiter avec brio des arts et des sciences. Mes mots-clés ? Perfection ! Difficulté ! Précision ! Règles et… Exceptions !!! (avec fierté.) Votez pour moi ! Et je vous inspirerai en classe, lors d’un examen, lors d’un entretien, et vous serez apprécié partout, surtout à Versailles !… (se déplaçant vers le côté de la scène pour céder la place au Tahitien.) Le Tahitien : Quoi ? Où ? À Versailles ? Le Français : Hum… (embarrassée) À l’École ! Vous serez appréciés à l’École, je voulais dire… (achevant son allocution par d’élégantes et discrètes révérences de droite et de gauche.) Le Tahitien : (se tenant la tête entre les mains car il est désespéré par la vantardise du Français.) Le Maître de cérémonie : (s’adressant au public) Merci, on l’applaudit… Toutefois, il me semble que le temps a été largement dépassé. Le Français : (depuis le siège où il allait reprendre place) Merci de bien noter que j’ai été interrompue ! Le Maître de cérémonie : Le jury en jugera… C’est pour ça qu’il est jury, pour juger d’un bon jugement... (en se dirigeant vers le Tahitien) Le Tahitien ! Le Tahitien : (durant cet échange entre le Maître de cérémonie et le Français, le Tahitien s’est avancé avec un grand soupir, marquant son exaspération, ponctuée par un mouvement de tête exprimant la négation. Arrivé devant le public, changement brutal de posture et grand sourire, il balaie chaleureusement du regard toute l’assemblée.)

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