Une histoire de l'Océanie

d'étranges embarcations, étant donné qu'un certain nombre de navires espagnols puis hollandais avaient navigué dans la zone depuis deux siècles, notamment aux Tuamotu. Des clous de métal provenant d’épaves circulaient d’archipel en archipel. C’est James Cook qui, par ses trois expéditions entre 1768 et 1779, fait rentrer dans la rationalité l’océan Pacifique (le but du premier voyage était d’effectuer des observations astronomiques dans le Pacifique – le nom de « pointe Vénus » à Tahiti n’a pas été inspiré par les vahine mais bien par l’astronomie). Les enseignements de ses voyages sont multiples. • Cook a reconnu et cartographié un immense espace compris entre le détroit de Béring au nord et le cercle polaire antarctique au sud, entre l’Australie à l’ouest et l’Île de Pâques à l’est ; il a abordé un très grand nombre d’archipels (Nouvelle-Zélande et Tahiti en 1769 – baie de Matavai) mais n’a cependant pas visité les Salomon, les Samoa et la Micronésie. Il a longé les Fidji sans s’y arrêter. Il a redécouvert les Marquises en 1773 (oubliées depuis le voyage de Mendaña et Quirós en 1595). Il a découvert la Nouvelle-Calédonie en 1774 et Hawaï en 1778, archipel enclavé entre les alizés du nord-est et les vents d’ouest. • La reconnaissance des côtes australiennes par Cook a partiellement mis fin aux dernières interrogations anciennes sur le Pacifique : il ne semble pas exister dans l’hémisphère sud un immense continent semblable à l’Eurasie « faisant contrepoids » aux terres de l’hémisphère nord ; en revanche il existe bien une île gigantesque dont le nom d’Australie reprendra le nom ptoléméen de « Terra australis ». Toutefois, Cook qui a approché le cercle polaire antarctique et certainement vu des icebergs émet l’hypothèse d’une autre terre située aux confins du pôle Sud et restant à découvrir. • La prise de possession de la baie de Port Jackson (Botany Bay dans l’actuelle Sydney) par Cook en 1770 permettra l’établissement en 1788 des premiers Britanniques en Australie, appelée encore à l’époque Nouvelle-Hollande (l’acquisition de l’Australie compensait la perte en 1783 des treize colonies anglaises d’Amérique). • Les relations de Cook avec les insulaires du Pacifique sont révélatrices du malentendu réciproque qu’entretenaient les Européens et les Océaniens. Cook était un homme éclairé : il sut par exemple nouer des relations avec Omai (en fait Ma’i qui fut à l’époque le seul Polynésien à revenir vivant du voyage en Europe) et surtout avec Tupaia avec qui il confrontait son savoir géographique et sa conception du monde. Cependant Cook mourut en 1779 à Hawaï, victime d’une tragique et révélatrice méprise. Pour les Polynésiens lors des premiers contacts, les navigateurs à peau blanche, dépositaires d’objets inconnus et d’armes terrifiantes, arrivés sur des navires démesurés étaient envoyés par les dieux. Il fallait se les concilier par des présents de vivres et de femmes afin de bénéficier de leur mana* et de récupérer ces objets nouveaux ; dans le même temps on les craignait et attendait leur départ avec inquiétude. Les Européens ne comprenaient pas leur statut et interprétaient le don des femmes comme de la luxure et l’intérêt très vif pour les objets du bord comme une volonté de vol. Les Européens n’imaginaient ni le mélange de curiosité et d’hostilité suscité par leur venue ni la déception causée par leur manque de générosité qui s’expliquait cependant par l’impossibilité de se départir des indispensables outils du bord. Donc, Cook arrive à Hawaï pendant les fêtes consacrées à Lono, dieu de la fertilité, auquel il est confusément identifié ; il est très bien accueilli, non par un quelconque sentiment d’amitié mais plutôt du fait d’une crainte révérencieuse. Cook peut réembarquer avec une grande quantité d’aliments frais et de viande de cochon, au grand soulagement des Polynésiens débarrassés d’une encombrante présence. Malheureusement, au bout d’une journée de navigation, Cook casse un mât et revient sur Hawaï pour trouver une nouvelle pièce de bois. Les insulaires sont d’une part effrayés par ce retour et d’autre part craignent de devoir faire de nouveaux dons. Quand Cook met pied à terre, inconscient du danger et croyant en l’amitié des Hawaïens, il est aussitôt tué (ainsi que Webber l’a représenté dans un tableau). Un autre voyage est emblématique de cette période. En décembre 1787, Londres envoie Bligh sur la Bounty à Tahiti pour prendre des plants d’arbre à pain destinés à être transplantés aux Antilles anglaises 40

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