Une histoire de l'Océanie

Au XIXe siècle, l’Océanie fut entièrement colonisée. Les décisions qui concernèrent l’océan Pacifique se prirent dans les capitales occidentales mais en tenant compte des positions déjà acquises. Le partage de l’Océanie résulta le plus souvent de négociations entre les différentes puissances. Le Royaume-Uni, bien établi en Océanie grâce à sa colonie australienne fondée à la fin du XVIIIe siècle, doit composer ensuite avec les autres États. Il y eut en fait trois grands marchandages successifs. Le premier marchandage eut lieu dans les années 1840 entre le Royaume-Uni et la France ; le second dans les décennies 1880-1890 entre le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis ; et le troisième dans les décennies 1880-1890 également, entre l’Allemagne, l’Espagne et les États-Unis (sous le regard du Royaume-Uni). Le Royaume-Uni apparaît donc comme la première puissance coloniale de la zone. L’Australie colonisée dès le XVIIIe siècle et la Nouvelle-Zélande sont ses positions principales ; elles deviendront des dominions* et accueilleront une immigration blanche massive. Par contre, la prise de possession de Pitcairn en 1838 est presqu’un hasard de l’histoire. La France mène une politique coloniale hésitante mais à terme efficace. Les États-Unis et l’Allemagne effectuent une entrée plus tardive tandis que les positions espagnoles s’effondrent à la fin du siècle. Dans cette confrontation géostratégique, l’Allemagne apparaît comme l’élément perturbateur : elle n’entretient pas de relations cordiales avec la France et le Royaume-Uni et, du fait d’une unification tardive, rentre avec retard et agressivité dans le grand jeu colonial. L’Allemagne développe d’ailleurs dès les années 1870 une flotte navale puissante, la Kaiserliche Marine. Mais dès les années 1860, l’Allemagne s’est imposée en Océanie par une présence économique dynamique en établissant des firmes commerciales, notamment aux îles Bismarck, au Samoa et aux Marshall. Le mouvement de colonisation obéit à des logiques successives. Au milieu du XIXe siècle, les États occidentaux avaient une politique coloniale hésitante face aux dépenses prévisibles ; à la fin du siècle, du fait d’une rivalité stratégique accrue entre puissances, les politiques coloniales devinrent plus déterminées. Les militaires, les administrateurs, les colons succédèrent aux missionnaires. Les relations entre les administrations coloniales et les missions chrétiennes étaient ambiguës. Les missionnaires se considéraient comme les défenseurs des indigènes mais dans le même temps ils contribuèrent à l’expansion occidentale et furent un vecteur déterminant des phénomènes d’acculturation. À la fin du XIXe siècle, l’Océanie était devenue presque entièrement chrétienne. Notons, en ce qui concerne la France, que les missionnaires français ont œuvré sous des régimes en théorie plus ou moins favorables à leurs intérêts – la monarchie de la Restauration, la Deuxième République, le Second Empire et la Troisième République – mais qui, en pratique, les ont toujours considérés comme des auxiliaires de la puissance étatique outre-mer ; par ailleurs, les régimes politiques qui se succédèrent en France eurent tous une politique d’expansion coloniale. Le Royaume-Uni est la première puissance navale de l’époque au sortir des guerres napoléoniennes et donc la première puissance coloniale. 1814 est une date symbolique : les Britanniques rebaptisent la Nouvelle-Hollande du nom d’Australie. Au milieu du XIXe siècle, une ruée vers l’or contemporaine du même événement en Californie aboutit à une augmentation rapide de l’immigration occidentale. En 1840, par le traité de Waitangi, la Nouvelle-Zélande devient à son tour une colonie britannique. Cet accord qui divise les Maoris ne renferme pas en outre la même signification pour les Maoris et les Britanniques. Ce traité, d’une part, déclenche les Guerres maories (que nous verrons ensuite), d’autre part, amène une réaction de la France et donc un premier marchandage dans le Pacifique au sud de l’équateur (dates clés : 1842, 1853, 1880). Devancés en Nouvelle-Zélande, les Français sont en effet privés d’un point d’appui dans le Pacifique. L’amiral Dupetit-Thouars reçoit des instructions du gouvernement de Louis-Philippe concernant la Polynésie orientale (Pacifique Sud-Est), ce qui constitue donc un premier objectif colonial français en Océanie au milieu du XIXe siècle. En 1842, il prend possession des Marquises et contraint Pomare IV Vahine à accepter un protectorat sur son royaume, suscitant l’hostilité de nombreux Tahitiens protestants (et anglophones) représentés par le pasteur Pritchard acquis aux intérêts britanniques. Mais le Royaume-Uni qui s’est emparé de la NouvelleZélande et veut préserver des relations cordiales avec la France laisse tacitement faire. Dupetit-Thouars, voulant pousser son avantage, souhaite même annexer le royaume des Pomare mais il est désavoué au nom d’une politique prudente et remplacé par l’amiral Bruat. Bruat hérite d’une situation difficile car la reine, conseillée par Pritchard, reste hostile aux intérêts français et la présence française est contestée par de nombreux Polynésiens. Ce sera la « guerre franco-tahitienne » de 1844 à 1846 au cours de laquelle 54

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