Une histoire de l'Océanie

Pour les mêmes raisons, le Samoa qui devient un royaume unitaire en 1889 sauve sa souveraineté pour encore dix ans. La prise de contrôle à la fin du XIXe siècle des royaumes polynésiens chrétiens de Tonga, Tahiti et Hawaï par les Occidentaux révèle des rapports de force inégaux. Ce n’est pas le caractère récent des royaumes de Tahiti et Hawaï et leur cohésion relative qui expliquent prioritairement cet échec ; ni la moindre personnalité des descendants respectifs de Kamehameha Ier ou Pomare II. L’effondrement démographique en est la raison première. Ensuite, il manquait à ces pays en construction une génération d’hommes formée à l’occidentale et capable de tenir tête aux Occidentaux ; l’évangélisation des Polynésiens avait jeté un premier pont entre eux et les Occidentaux mais ne leur avait pas donné les armes nécessaires pour leur résister. Le second marchandage au sud de l’équateur a donc eu lieu entre le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis (dates clés : 1886, 1899). Après avoir mis la main en 1874 sur Fidji et ses vastes terres agricoles (des chefs locaux, dont Cebaukau, ont cédé l’archipel aux Britanniques) et annexé Rotuma en 1881, le Royaume-Uni place en 1886 dans sa zone d’influence le Sud-Est de la Nouvelle-Guinée, les Salomon, les Cook et les archipels Gilbert et Ellice ; Londres laisse en échange les îles Bismarck et l’île Bougainville à l’Allemagne qui avait annexé le NordEst de la Nouvelle-Guinée deux ans plus tôt en 1884. D’ailleurs, Bougainville est rattaché à la NouvelleGuinée allemande bien que ses habitants soient Mélanésiens et non Papous ; mais l’Allemagne a dû abandonner ses prétentions sur le reste des îles Salomon. Londres attendra quelques années pour procéder aux prises de possession effectives. Les négociations concernent ensuite spécifiquement le Pacifique central. En 1899, le Royaume-Uni laisse l’Allemagne et les États-Unis se partager le Samoa (où des compagnies commerciales allemandes avaient des activités depuis le milieu du siècle ainsi qu’aux îles Bismarck) contre des intérêts à faire valoir à Tonga, à Niue, à Tokelau, aux îles de la Ligne et aux îles Phoenix (pour mémoire, ces deux derniers archipels n’étaient pas peuplés à l’époque et seront intégrés aux archipels Gilbert et Ellice respectivement en 1919 et en 1937). Formellement et au moyen de traités, le Royaume-Uni étend sa souveraineté sur le quart sud-est de la Nouvelle-Guinée en 1888, Tokelau en 1889, les Salomon et Gilbert et Ellice en 1893, les îles Cook et Niue en 1900 et Tonga en 1905 malgré l’opposition des Tongiens. Les Nouvelles-Hébrides partagées avec la France en 1906 complèteront le dispositif britannique. Les négociations ont été âpres. Ainsi, la souveraineté des Nouvelles-Hébrides est partagée entre Londres et Paris (cette situation s’explique par la position médiane des Nouvelles-Hébrides entre les Salomon britanniques et la Nouvelle-Calédonie française et par la volonté de contrer la poussée allemande dans le Pacifique). Le territoire du Samoa est partagé entre l’Allemagne et les États-Unis (les grandes îles occidentales à l’Allemagne, les petites îles orientales mais possédant la meilleure rade aux États-Unis). Le territoire de la Nouvelle-Guinée est partagé entre l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas qui s’étaient emparés de la moitié ouest du pays en 1828. Non seulement des frontières coloniales ont été tracées mais encore des peuples ont été divisés entre plusieurs tutelles. Le troisième marchandage a lieu aux mêmes dates que le deuxième mais au nord de l’équateur et il concerne, outre l’Allemagne et les États-Unis, un nouveau protagoniste à savoir l’Espagne (dates clés : 1886, 1898). L’Espagne est à l’époque une puissance coloniale en déclin rapide. En 1886, un accord entre l’Espagne et l’Allemagne attribue les Marshall à l’Allemagne mais confirme la possession espagnole des Carolines et des Mariannes. L’Allemagne pousse son avantage en annexant en 1888 l’île de Nauru au prétexte de mettre fin à une guerre civile entre Nauruans qui aboutit, il est vrai, au massacre d’un tiers de la population. Mais en 1898, éclate une guerre entre l’Espagne et les États-Unis qui veulent se débarrasser du voisinage de cette puissance européenne dans les Caraïbes et le Pacifique. L’Espagne est écrasée : elle doit céder Guam et les Philippines aux États-Unis et décide de vendre à l’Allemagne les Mariannes et les Carolines (Yap, Chuuk, Pohnpei, Kosrae et Belau qui, à l’époque, en faisait partie). Ce partage de la Micronésie révèle la montée en puissance des États-Unis dans le Pacifique. La « frontier » ayant atteint le Pacifique au milieu du XIXe siècle et la guerre de Sécession s’étant terminée en 1865, les États-Unis se tournent vers le Pacifique : achat à la Russie de l’Alaska en 1867 (la Russie n’a plus les moyens 56

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